In this moment, we're lost and found - Ambrosio

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Alors, doucement, sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, le quotidien s'est installé dans l'ancienne demeure de Miss Lister. Tous les matins, le même rituel se répète inlassablement depuis quelques jours, un petit déjeuner qui l'attend derrière sa porte ou, occasionnellement, apporté directement dans sa chambre quand il est d'humeur. Il prend sa douche dans sa salle de bain personnelle, l'espace qui lui est accordé est l'équivalent d'un petit appartement. Largement suffisant pour qu'il se sente à l'aise Ambrosio n'en a jamais demandé autant. Des papiers à signer, beaucoup d'encre qui coule et si peu de mots échangés9, c'est à peu près tout ce qu'il fait de ses journées. Il a terminé de contacter la famille pour annoncer son trépas. On a montré à son égard une empathie discrète, mais présente et sincère il le sait. Dans la famille, ils savent de quel bois se chauffait la vieille dame et personne n'est étonné de la fatigue dans sa voix. De la résignation et du détachement dont il parvient à faire preuve. Ce n'est pas ce qui le réjouit. Il aimerait bien sur, que les circonstances soient autres. A quoi bon. Il ne peut pas faire semblant, il a toujours détesté jouer les enfants modèles. Même quand il connaissait les risques encourus, il continuait de retourner jouer avec les mauvais garçons, il persistait sur un chemin et donnait l'autre joue en rentrant. Incapable de se laisser faire, de baisser les bras, de courber l'échine. Cette vie oisive risque de l'ennuyer rapidement.

Les jours passent et il a l'impression pourtant que dans ce contexte précis, il se laisse porter par les évènements. Avoir des gens à son service le frustre et sortir lui même ses poubelles lui apparaît comme une révolution. Que Lewis vienne lui dire quelque chose ça ne lui plaît, il se demande si ils vont réussir à s'entendre sur quelque chose. prendre l'air dans la nuit fraîche lui fait du bien, il regrette avoir laissé son paquet de cigarette à l'intérieur. Il a recommencé depuis qu'il est revenu. Beaucoup de choses ont recommencé. Des cauchemars qui n'avaient pas pointé le bout de leur nez. Ambrosio sursaute quand il entend du bruit du coté de la clôture et des jurons, balancés sur une intonation rageuse. Un cambrioleur ? Il avance à pas de loup, abrité par la nuit et observe l'ombre se faufiler. En réalité, il reconnait sa forme avant même de l'entendre parler. C'est Tyler. Il reconnait sa voix, même avec des années en plus. Ce n'est pas le genre de visage qu'il pourrait oublier. On oublie pas le visage de son premier amour et si il a encore du mal à l'admettre, c'est ce qu'il a de plus proche de la vérité, il l'a suffisamment reluqué pour savoir à quoi il ressemble. Il l'a admiré au delà de la raison, ils se sont battus ensemble et chaque coup qu'il recevait était un coup de plus qu'il voulait rendre à leurs ennemis. Si il n'était pas parti, il auraient fait un bout de chemin encore main dans la main. Il se demande parfois si il n'y aurait pas pu avoir plus, encore plus maintenant que la solitude lui creuse le ventre et qu'il a terriblement envie que quelqu'un le prenne dans ses bras et le réveille de ce mauvais rêve. Il s'en veut d'avoir disparu comme un voleur, de l'avoir laissé en plan. Ambrosio à le maigre espoir que l'autre va le comprendre. Qu'il ne lui en tiendra pas trop rigueur, en l'honneur d'une amitié qui voulait dire quelque chose, un peu stabilité dans leurs existences communes. « Tyler ? » Il laisse tomber la poubelle et s'approche des grilles. « Qu'est-ce que tu fais ici ? » Vient-il pour Cecelia ? Il aurait pu frapper, ou sonner. Tout de même. Aucune colère dans sa voix à l'égare de l'intrus. « Tu pouvais sonner. Fait attention à toi quand même. » Il sourit comme un gamin. Si heureux de le revoir.

How am I supposed to make you feel okay
When all you do is walk the other way?
I can't tell you how much I wish I didn't wanna stay

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Il y aurait eu des meilleurs choses à se dire, mais en tout honnêteté, rien n'aurait été suffisant. Rien n'aurait été approprié. Comment rattrape t-on un silence qui n'a que trop duré ? Ce n'est pas le genre de type qui accepte des excuses larmoyantes. Tyler mérite la vérité pure et dure. Blessante ou non. Au moins, il pense chacun des premiers mots qui marquent leurs retrouvailles. Attention à toi. Ambrosio l'a veillé, certains soirs quand il y avait trop d'alcool dans leurs veines, certainement pas pour lui faire la morale. Ils ont inventé leur morale à eux, leur monde et leur univers qui ne tournait qu'autour d'eux. Tyler a toujours eu la main plus lourde sur la drogue, Ambrosio était un consommateur discret qui fumait surtout en soirée ou quand il se portait mal. Il voulait garder son esprit un peu plus clair, au cas où. Son monde c'était l'autre et il n'avait pas le droit de le quitter, Cece l'aurait tué.

Est-ce qu'il doit y voir une accusation ? Tyler est doué, il a rapidement comprit ce qu'il faisait là. Il a toujours vu les détails et apprit au mexicain comment faire. Ambrosio baisse les yeux, n'ayant pas le courage d'affronter son regard quand il lui annoncera la disgrâce  dans laquelle il est tombé. Après toutes ces années, ces promesses et l'assurance qu'il ne finirait jamais comme elle, il revient au point de départ avec l'affaire dont il est désormais à la tête. Il en hérité, qu'il le veuille ou non, il aurait pu refuser. Cet argent il n'en a pas besoin, sa mémoire, il se fiche de la piétiner et il ne connait pas suffisamment les employés pour éprouver des remords à leur voler leur travail. « Elle est morte. » Combien de fois l'a t-il répété ? Il en a perdu le compte, tout comme l'émotion dans sa voix. Maintenant c'est presque une habitude. Il hausse les épaules pour appuyer avec nonchalance sur l'indifférence totale qu'il ressent. « Je ne sais pas encore, si je vends ou si je reste. »  Il trouve à nouveau la force de le regarder dans ses yeux. Il n'y a jamais eu de gentillesse dans le regard de Tyler. Ils ont eu de la complicité, de la sympathie, mais il n'y a rien qui soit tendre et doux. Tyler est un diamant brut dont seul Ambrosio voit les facettes les plus lumineuses. Vingt après, l'émoi est toujours présent dans son coeur, légèrement diffus. Ravivé par la solitude soudaine qui l'accable, d'un genre que Cecelia ne pourrait pas combler même si elle le voulait. « Je sais que beaucoup d'années ont passé et que je n'ai pas prit de nouvelles. Je suis désolé Tyler, tu comptais beaucoup pour moi et c'est encore le cas aujourd'hui. Toi et ta soeur, vous aurez toujours une place spéciale. » Toi en particulier. C'est tout ce qu'il lui reste désormais, son seul point d'attache à Donwell. Comme un cordon ombilical qui le relie à son enfance, qu'il faudrait couper ou mourir.  Et peut-être que, oui, il en mourrait si il devait ne plus jamais les revoir une fois de plus. « Cecelia va bien. Je prends soin d'elle, j'ai cru comprendre que ça c'est mal passé avec son fiancé. » Il décide de ne pas aller trop loin dans les détails. Si il lui parle du coup, il ne doute pas un seul instant que son meilleur ami d'enfance soit capable d'aller lui casser la gueule et de le tuer, puis de jeter son corps dans la Tamise. « Et toi ? » Quoi de neuf ? Comment se porte t-il ? Toujours camé à en croire les traits tirés de son visage et l'odeur diffuse qui se dégage de ses vêtements. Ambrosio n'ose pas bouger. Il y a plusieurs scénarios possibles, ils peuvent se frapper l'un l'autre pour avoir garder des secrets, ils peuvent garder cette distance qu'il a lui même creusé ou ils pourraient reprendre là où tout s'est arrêté et prétendre que rien n'a changé. Il n'a jamais autant voulu agir comme si rien ne s'était passé et se voiler la face. Ambrosio a changé. Qu'il le veuille ou non et même si cette colère au fond de ses trippes est toujours présente, il est sobre, sevré, clair dans la nuit noire, apaisé d'une certaine manière. Tyler lui est son reflet parfait en maléfique, l'autre coté de la pièce. Tout ce qu'il renie et qu'il désire.