Here to stay [Dam&Lew]

« Hey, who's coming with me
To kick a hole in the sky?
I love the whiskey
Let's drink that shit till it's dry
So grab a Jim Beam, J.D., whatever you need
Have a shot from the bottle, doesn't matter to me »

Lewis s’est arrêté au White Horse après sa journée de travail. Enfin, il y est allé, plutôt. Puisque techniquement, il vivait sur son lieu de travail. Il avait eu envie d’une bière, mais sans rester à fixer les murs de son logement et comme il ne devait pas s’occuper de Julian ce soir-là… Autant en profiter. Juste une pinte et puis rentrer. Une vie des plus normales, sommes toutes. Il s’est installé dans un coin, sa pinte de Guinness devant lui, fixant distraitement l’écran sur lequel est diffusé un match de football. Il ne s’était jamais réellement intéressé à ce sport, ni à aucun autre, d’ailleurs. Regarder du sport à la télévision, ça n’avait jamais été sa tasse de thé. En déploiement, ça avait seulement servi de distraction, un moyen de garder un lien avec “la maison”.
Il est assez surpris d’apercevoir une tête familière, veste en cuir et chemise à carreaux. Il manque ne pas reconnaître Damian à cause de sa coupe de cheveux. Ce dernier a dû sentir son regard peser sur lui parce qu’il se retourne et lui fait un petit signe de la main, auquel Lewis répond avec un sourire. Quelques instants plus tard, Damian est face à lui. Le pilote n’a pas vraiment changé, physiquement parlant.
« La place est libre, DamCrow. Fais comme chez toi. »
Il l’invite à prendre place. Comme s’il allait refuser la compagnie d’un frère d’armes. Le corbeau et le rouge-gorge. Ils avaient vraiment eu un truc pour les volatiles dans l’escadrille.
« Oh, tu sais, on fait aller, hein. Et toi ? »
Lewis sourit, histoire de ne pas avoir l’air de trop dramatiser.
« La routine, mon vieux. Juste la routine. Le boulot, surtout. »
Il ne sait pas rester oisif, Lewis. Il a conservé ses habitudes d’officier : premier debout, dernier couché, à toujours s’assurer que tous les détails sont parfaits. Il secoue légèrement la tête. Il ne veut pas non plus saouler Damian avec ses états d’âme.
« Et toi alors ? Ça se passe comment ? »
Le retour à la vie civile. Le changement de routine. S’acclimater à cette petite ville de Donwell et à la tranquillité de ce genre d’endroit. Au moins, les lits picots ne lui manquent pas. C’est qu’il s’habituerait presque au confort retrouvé, le Lewis !
« Bon sang, j’ai toujours autant l’impression de détonner dans le décor. »
Il avait toujours l’impression qu’il allait rentrer à la caserne sous peu, sauf qu’il se retrouvait à rentrer chez lui. Et qu’il n’était pas prêt à remettre un uniforme militaire. Sa carrière d’officier est derrière lui. Il n’est qu’un civil désormais.
« T’as toujours ta bécane ? On pourrait faire une virée un de ces quatre. »
La moto, c’était ce qui se rapprochait le plus, niveau sensation, du pilotage d’avion. C’est pour cela que bien souvent, les pilotes sont aussi motards. La sensation de vitesse, de défier les lois de la physique - bien qu’une moto ne puisse pas franchir le mur du son - à quelques exceptions près, mais ce n’étaient pas des modèles faits pour rouler sur une route classique.

« Hey, who's coming with me
To kick a hole in the sky?
I love the whiskey
Let's drink that shit till it's dry
So grab a Jim Beam, J.D., whatever you need
Have a shot from the bottle, doesn't matter to me »

Lewis songe qu’ils ont l’air un peu couillon, à éviter tous les deux les mêmes choses. Ne pas inquiéter l’autre, parce qu’au final, être un simple civil, ils ne savent pas trop ce que c’est. Ils ont trop longtemps porté l’uniforme comme une seconde peau pour qu’il en soit autrement. Aucun n’est dupe, pas vrai ? Pas besoin de beaucoup de mots pour comprendre, pour lire entre les lignes. Lewis laisse échapper un rire à la mention de Donwell.
« C’est clair que c’est pas l’action qui attire par ici… »
Mais au final, Lewis l’aime bien, cette petite bourgade qu’il a toujours connue. Elle est pareille à une montagne : gravée dans la roche, seule l'érosion la façonne, le temps qui passe, l’eau qui s’infiltre dans les failles… Mais on la reconnaît toujours. Elle est stable. Presque immuable. Un repère fixe, comme l’étoile du Berger qui sert à guider le voyageur.
« Tu vas te foutre de ma gueule. »
Il ricane un peu lui-même, toujours amusé de la situation.
« Je suis majordome. J’ai repris la place de mon père. Chez les Lister. »
C’est vrai que ça manque un peu de panache, quand même, faut l’avouer, pour un officier décoré.
« Niveau action, on repassera. Mais c’est un travail stable. Et je peux voir mon gamin. »
Ou plutôt l’apercevoir tant ce dernier semble doué pour l’esquiver. Lui non plus ne comprend pas pourquoi Lewis se contente d’un job de larbin. Parce qu’il aurait pu prétendre à mieux non ? Puisque c’est un héros. Lewis déteste ce terme. Héros. Est-ce qu’on appelle un garagiste un héros lorsqu’il répare un moteur ? Non. Lewis n’a jamais fait que son travail. Avec application. Pas avec héroïsme.
« Eh, un pilier, c’est une partie non négligeable de la structure. Sans un pilier, tout se casse la gueule. »
Ouais, bon, pour remonter le moral, on a quand même vu mieux que ça. Mais Lewis veut plutôt détendre l’atmosphère. Eviter de trop ruminer, alors il botte vers un autre point qu’ils ont en commun. La moto. Et bingo. La mine de Damian se fait sincèrement réjouie à l’idée de partir roouler.
« Non, ça va j’ai du temps libre devant moi. »
Julian était chez sa mère, il avait donné ses consignes aux autres employés,  non, il avait le temps. Et même s’il ne l’avait pas eu, il se serait arrangé pour le prendre, pour une fois. Ce n’était pas parce qu’ils n’étaient plus en service qu’ils n’étaient plus frères d’armes à ses yeux. Le retour à la vie civile ne fait pas disparaître ces liens. Rien ne peut les faire disparaître. Lewis baisse les yeux sur son verre.
« Je devrais pas dire ça, mais on va pas gâcher nos verres. »
Il fixe Damian, un sourcil légèrement arqué, entre interrogation et taquinerie.
« Sinon, il y a toujours la méthode expéditive pour déssouler, si t’es rendu à ce niveau-là. »
D’ordinaire, il n’aurait pas agi en tête brûlée, de la sorte. C’était même l’inverse. C’était son rôle, à l’époque, de veiller sur tout le monde - une tâche qu’il avait toujours pris à cœur.
« On peut aussi y aller tranquille. Tu connais des routes sympas ? … Enfin, faut que j’aille chercher ma bécane. »
Ce qu'ils firent donc, après avoir fini leurs verres. Lewis était plutôt classique dans ses goûts mécaniques. Une Triumph Thruxton, noire et grise. On aurait même pu dire triste. Il était comme ça, Lewis, toujours discret.