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 Bonaventure, ou le Cupidon réincarné

Bonaventure Dell
Bonaventure Dell
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MessageSujet: Bonaventure, ou le Cupidon réincarné   Bonaventure, ou le Cupidon réincarné EmptySam 27 Mar - 21:10



Bonaventure, ou le Cupidon réincarné
@James E. Snicket



« Ouais, pas mal ! Donne-moi du désir, vas-y. Oh ouais ! Et du mystère, vas-y, donne-moi du mystère. Ouuuuh... »

À ce stade, une petite explication s’impose. Au cours des douze derniers mois, Bonaventure avait présenté quatre-vingt-treize femmes à son cousin James. Quatre-vingt-treize. Et aucune n’avait trouvé grâce à ses yeux. Pas une. Pourtant il se donnait du mal pour organiser les rencontres, pour varier les ambiances, pour aider les filles à se montrer sous ce qu’il imaginait être leur meilleur jour, mais rien n’y faisait. James restait hermétique à la moindre de ses tentatives. Alors bien sûr, sur un tel échantillon il y avait forcément des ratés, mais il était évident qu’il y mettait de la mauvaise volonté. Par exemple, il aurait juré que la dernière prétendante était la bonne. Il jurait à chaque fois, mais là c’était différent. Il avait eu un si bon feeling.

Elle s’appelait Meghan. Sans le h, s’empressa-t-elle aussitôt d’ajouter. Elle s’appelait donc Megan, et à cette rigueur toute orthographique Bonaventure reconnut immédiatement en elle une littéraire. Comme beaucoup des filles qu’il rabattait vers James, à défaut d’une expression plus élégante pour décrire la noble mission qui consistait à vouloir apporter à son cousin bonheur, amour et quelques décharges ponctuelles d’ocytocine, Bonaventure avait rencontré Megan au White Horse. Elle avait commandé un Cosmopolitan, il s’était emmêlé les guibolles et lui avait servi un Balalaïka, l’erreur classique du barman surmené. Loin de lui en tenir rigueur, elle s’était au contraire sentie flattée, comme s’il avait voulu retranscrire l’essence de sa personnalité en deux alcools et un jus de fruit. Bref, ils étaient faits pour tomber l’un sur l’autre.

Par la suite ils avaient parlé de tout (trois fois rien) et de rien (surtout). Ils s’étaient par exemple découvert une passion commune pour les Mancuniens à Cancun, et ce fut cette révélation qui incita Bo à lui présenter James, car elle lui remémora le péplum que celui-ci l’avait forcé à regarder la semaine dernière, Spartacus. Le parallèle étant, au gré des court-circuit qui opéraient à longueur de journée dans son cerveau malade, évident : des mecs en slip qui se chamaillent dans le sable. Sauf que là il y avait également des filles. Un péplum féministe, 2.0 en quelque sorte.

Malheureusement, cette idylle tourna court, un verre, pas plus, avant que James ne quitte le bar, non sans avoir adressé un regard noir à son cousin. Et c’est suite à cet énième fiasco qu’il lui fit solennellement promettre d’arrêter de se mêler de sa vie sentimentale, qu’il savait que ça partait d’un bon sentiment, que ça ne pouvait plus durer, et que s’il devait continuer malgré tout il se verrait dans l’obligation de l’enfermer dans le grenier, que ça ne lui faisait pas plaisir, mais qu’il n’hésiterait pas. Devant ce qui ressemblait furieusement à une capitulation, Bonaventure avait seulement demandé s’il ne comptait pas faire de bêtise, comme partir se faire castrer dans un monastère, ou quelque chose dans ce goût-là. Une fois rassuré sur ce point, il avait consenti à promettre. Mais à une condition : qu’il s’inscrive sur un site de rencontre, et qu’il supervise la création du profil. D’où le shooting photo.

« Stop, stop, stop ! Ça ne va pas du tout. Je te demande du désir, et tu me donnes du désespoir. Tu n’es pas un cocker dans un chenil, nom de nom. »

Il se releva et épousseta son pantalon. Un peu à court d’idées, il avait fini par se coucher sur le dos pour tenter de prendre son cousin en contre-plongée, mais malgré ses contorsions épileptiques, il n’était pas arrivé à trouver un angle satisfaisant. Et ce double menton ! Grand Dieu, ce double menton ! Mais il ne s’avouerait pas vaincu, résignation ne faisait pas partie de son vocabulaire (au sens littéral et figuré d'ailleurs), et la perplexité, bien que fréquente chez lui, ne durait jamais bien longtemps. Il fourmille d’idées, ça bouillonne sous la tignasse, et c’est là son moindre défaut.

« Attention James, attention. La photo c’est 95 % du succès d’un bon profil. Va pas croire que tu pourras rattraper un air de merlan frit avec ton baratin sur la macédoine gréco-romaine, ça n’intéresse personne ça. Dans la vie y a pas de secret : du désir, du mystère et pas de faux-menton. Allez, on s’y remet. Hop hop hop ! »

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James E. Snicket
James E. Snicket
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MessageSujet: Re: Bonaventure, ou le Cupidon réincarné   Bonaventure, ou le Cupidon réincarné EmptyLun 12 Avr - 22:37

Il y avait des moments parfaits dans la vie, de ceux où l'on ne changerait rien à ce que l'on vit. Et puis il y avait les moments que James passait avec son cousin Bonaventure. S'il devait mesurer le niveau d'amusement de ces moments là, il les auraient placé juste entre marcher sur un lego et être coincé dans un ascenseur avec un collègue qui aurait pris du rab de cassoulet le midi. Il avait connu mieux, en bref. La nouvelle lubie de son cousin, c'était de l'inscrire sur des sites de rencontre. James ne comptait évidemment pas s'y reconnecter un jour, mais si cela pouvait faire en sorte que Bonaventure lui foute un tant soit peu la paix, alors il était prêt à tout, même à une séance photo ridicule. Il restait donc planté là, les mains dans les poches, à fixer le mur derrière son cousin en attendant la fin. Au moins, peut-être que Bo finirait par arrêter de vouloir le caser avec des femmes qui avaient certes l'air très gentilles, mais qui n'était pas du tout le genre de James. Il s'était souvent retenu de faire comprendre à son cousin que James n'avait pas besoin de chercher l'amour. Il l'avait déjà trouvé, il y avait des années de cela. Et il avait perdu Rose, alors il ne voulait plus forcément d'amour dans sa vie depuis. Surtout si c'était Bo qui le trouvait pour lui.

Même s'il se contentait de rester immobile, Bo semblait croire qu'il changeait l'expression de son visage de temps à autre, et le complimentait parfois sur "son intensité faciale". James n'avait pourtant pas changé grand chose dans son expression, c'était peut-être involontaire ; en effet, au bout de deux heures à resté planté là, il ressentait désormais une légère fin et une envie de faire pipi modérée. Il se dit qu'il laissait encore vingt minutes à Bo pour comprendre qu'il était toujours dans la même position depuis le début du shooting, avant de partir aller faire autre chose de sa vie.

Et il finit par comprendre, au grand soulagement de James, même si ce dernier fut comparé à un cocker dans un chenil. Il croisa les bras, et soupira. « Je ne suis pas un cocker, et tu n'es pas une serpillière. Alors relève-toi, le sol n'a pas besoin d'être nettoyé. » C'est à ce moment seulement qu'il s'aperçut qu'en plus, Bo portait une de ses chemises. « Ce serait pas une de mes chemises, ça ? Tu as 10 secondes pour t'expliquer. »

Il s'assit sur le fauteuil du salon, tout en attendant l'excuse de Bo qui allait devoir justifier ce vol de chemise. Il savait bien qu'il aurait toujours dû verrouiller sa porte de chambre quand il s'absentait, de peur que Bo ne considère ses affaires comme des choses qu'il pouvait emprunter sans prévenir - et sans jamais rien rendre.

« Je ne bougerai pas de ce fauteuil, Bo. Alors voilà ce qu'on va faire : je te laisse prendre une dernière photo et je vais même sourire dessus, ensuite tu ranges cet appareil et tu me fout la paix. Compris ? »

Il espérait que Bo aurait oublié l'étape suivante : l'inscription en elle-même. James ne mourrait pas spécialement d'envie d'avoir sa tête affichée sur un site pour personnes désespérées, surtout si c'était Bo qui écrivait son profil.

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Bonaventure Dell
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MessageSujet: Re: Bonaventure, ou le Cupidon réincarné   Bonaventure, ou le Cupidon réincarné EmptyDim 18 Avr - 10:09



Bonaventure, ou le Cupidon réincarné
@James E. Snicket


Bonaventure fixa son cousin, puis la chemise, puis son cousin à nouveau, encore la chemise, pour s’arrêter définitivement sur son cousin.

« La chemise ? On mange italien ce midi, non ? Je ne pouvais quand même pas mettre une de mes chemises en soie, allons. C’est beaucoup trop risqué. »

Clairement, le malentendu avait été dissipé. Après cette intervention intempestive, il se remit en position. Tel l’agent secret qui n’aurait plus qu’une balle pour neutraliser le kidnappeur de la fille du président des Etats-Unis, sa mission était extrêmement périlleuse. Davantage même, car là où le premier n’avait qu’à compter sur son adresse et son sang-froid, le second devait en plus composer avec le faciès peu avenant de son cousin. Et la promesse d’un sourire n’était pas pour le rassurer, loin de là. D’ailleurs, n’importe qui tomberait sur une des rares photos présentes dans l’appartement partagerait immédiatement cette inquiétude viscérale. C’était sa dernière photo, il ne pouvait pas la rater. Pas avec le stock qu’il avait tiré ce matin. C’était le célibat à vie garanti. Alors il prit une dernière longue inspiration, pria brièvement Sainte Rita, et, l’index légèrement tremblant, il pressa le déclencheur. A sa grande surprise, le résultat ne fut pas trop mal. C’était indéniable, il avait un don pour révéler la beauté, même lorsqu’elle se terrait dans les recoins les plus improbables.

« Ok, c’est dans la boîte ! On n’aura pas mieux de toute façon. »

A ce stade de notre histoire, il est important de vous ôter les fausses idées que vous pourriez avoir sur cette situation. N’allez surtout pas croire que tout ceci ne soit qu’un jeu pour Bonaventure, car vous ne pourriez pas être davantage éloigné de la vérité. C’est une affaire extrêmement sérieuse au contraire, à laquelle il a consacré beaucoup de temps et d’énergie. Il avait commencé par étudier la concurrence, et là déjà ce n’était pas gagné. Même en se limitant aux pré-retraités et en excluant les quelques-uns qui avaient visiblement gardé leur abonnement à la salle de gym, il n’y avait pas de quoi pavaner. D’autant plus que James avait catégoriquement refusé d’envisager la photo de profil torse nu. Et ni la pertinence des arguments qu’il pouvait lui apporter (« allez, tout le monde va croire que tu planques la came, elles vont trouver ça louche... »), ni ses mots de réconfort (« tu n’auras qu’à rentrer le ventre, tout le monde le fait tu sais ») n’avaient pu le faire vaciller dans sa certitude. La conclusion de tout ceci étant qu’ils ne pouvaient désormais plus se permettre la moindre impasse sur le reste du profil, qui était d’ailleurs assez exhaustif.

« Faut qu’on passe au portrait chinois maintenant. Il y a quelques points qui restent à préciser. Déjà, pour l’oiseau. Tu comprends, au début je m’étais dit le corbeau, l’évidence quoi, intelligent, mais sinistre et grincheux. Sauf que je me suis dit que ce n’était peut-être pas hyper vendeur. Du coup je suis parti l’oiseau de paradis, c’est exotique, ça fait rêver, et s’il y a une ornithologue dans le tas, t’as toutes tes chances. T’en penses quoi ? »

Visiblement pas que du bien, car James s’était précipité pour lui arracher des mains le papier noirci de pattes de mouche qu’il venait de sortir de la poche arrière de son jean, et il découvrait maintenant avec une terreur grandissante les items encore sujets à discussion, comme personnage de fiction : Jimmy Neutron ? ou couleur : gris-marronnasse ?, ainsi que ceux pour lesquels une évidence semblait manifeste, pays : Guatemala et légumineuse : haricot rouge, par exemple. Il était indéniable qu’il y avait passé du temps, comme en attestaient les nombreuses ratures et digressions qui surchargeaient le papelard.
Bonaventure dévisageait James avec une légère appréhension, se dandinant d’une jambe sur l’autre, comme si son cousin était le PDG d’une entreprise cotée en bourse et lui le pauvre employé chargé de lui faire parvenir un bilan annuel particulièrement catastrophique.

« C’est le pécari, c’est ça ? Non mais on peut changer hein, ne fais pas cette tête. »

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James E. Snicket
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MessageSujet: Re: Bonaventure, ou le Cupidon réincarné   Bonaventure, ou le Cupidon réincarné EmptyMer 21 Avr - 14:57

Voilà que Bonaventure, avec toute l'audace dont il était capable, admettait avoir pris une chemise à James, et ce parce qu'il lui fallait une chemise de bouseux qui pouvait être tâchée sans problèmes. James se retint très fort pour ne pas craquer et faire manger son appareil photo à Bo. Il n'avait jamais été violent, mais son cousin avait ce super-pouvoir qui faisait qu'il arrivait toujours à rendre les gens à bout de nerf. C'était un véritable talent. A bien y réfléchir, personne ne pouvait lui faire perdre patience aussi vite que Bo. « Continue comme ça et je tartinerai tes précieuses chemises de sauce tomate  » Ce n'était pas une menace lancée en l'air : il en était vraiment capable. Il avait déjà lancé de la macédoine de légumes sur Bo qui se douchait en lui lançant le saladier rempli par-dessus le rideau de douche. Il était capable de bien pire. « Et avant de manger italien, il fallait que tu manges un fruit et un légume. C'est fait ? Tu as mangé la pomme et la carotte que j'avais mis sur la table ce matin ?  » L'une des premières choses que James avait remarqué en emménageant avec son cousin, c'était qu'il s'alimentait terriblement mal. Chips au petit-déjeuner (vers 11h quand il se levait), bonbons et cheddar fondu dans un bol pour le repas (vers 15h), pizza pour le goûter (vers 15h30), restes de bonbons du matin pour le deuxième goûter (vers 16h15) et céréales au chocolat pour le restant de la soirée. Il avait dû se battre pour changer le régime alimentaire de son cousin, mais était arrivé à lui faire manger des légumes petit à petit, par exemple en écrasant des brocolis dans la sauce des pâtes.

Il se reprit un énième flash dans la tête, mais à son grand soulagement Bo lui annonça que c'était le dernier. Enfin. Il était libre. Du moins, c'était ce qu'il croyait.

Mais Bo aborda un nouveau sujet, celui du portrait chinois. James le regarda d'un air interdit. Cela n'aurait-il donc pas de fin ? Il soupira une énième fois, et se rassit au fond du fauteuil qu'il était sur le point de quitter. « Très bien. Qu'on en finisse. Tu ne m'en voudras évidemment pas si je complète ton portrait en même temps ?» Au fond, il préférait ça plutôt que de poser torse nu comme son cousin le lui avait demandé.  « Le corbeau. Oublie le pécari. Toi tu serais un pigeon. Suivant. » Autant en finir le plus rapidement possible.

Il arracha la liste des mains de Bo et la parcouru des yeux. James dû bien lui accorder une chose : il avait rarement vu quelqu'un se planter autant à tous les coups. Jimmy Neutron ? Vraiment ? « Bo. Combien de temps ça t'as pris, de trouver tout ça ? » Il aurait pu s'énerver et se contenter de quitter la pièce sans mot dire, mais cela n'aurait pas été pédagogique.
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MessageSujet: Re: Bonaventure, ou le Cupidon réincarné   Bonaventure, ou le Cupidon réincarné EmptyLun 26 Avr - 17:06



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@James E. Snicket


Sans doute sous le coup de la déception de ne pas être à la hauteur des talents de photographe de Bonaventure, James reportait sa frustration sur les chemises de son cousin, qu’il menaçait de profaner à grand renfort de concentré de tomates. Ah, l’orgueil blessé d’un homme pouvait l’amener vers les plus terribles extrémités. Comme de vouloir l’obliger à manger des trucs verts par exemple. Et justifier la cruauté d’un tel procédé par la préservation de sa santé, alors que Bonaventure pouvait se vanter de posséder un système immunitaire de tout premier plan. Cela ne faisait aucun doute que son cousin était tombé victime du complot ourdi par les bouffeurs d’endives, mais par amour pour lui il était prêt à beaucoup de sacrifices.

« J’ai fait mieux que ça en fait. J’ai demandé des suppléments ananas et artichaut sur ma margharita. Parce que je ne savais pas trop où mettre la tomate, tu comprends ? Du coup je me suis dit, ne prends pas de risques, c’est de ta santé dont il s’agit. »

Il avait eu cette idée de génie devant un épisode d’Hannah Montana. Si Miley pouvait poursuivre de front une carrière de chanteuse à succès et de lycéenne lambda, il n’y avait aucune raison qu’il ne puisse pas de son côté concilier son amour immodéré de la pizza et les recommandations d’ordre diététique que tentait de lui imposer James, aussi excentriques puissent-elles paraître. Mais ça n’avait pas été sans mal.
Jamais il n’oublierait le regard rempli de mépris que lui avait jeté la personne qui avait pris sa commande chez Domino’s quand il avait demandé à ce qu’elle ajoute l’ananas et l’artichaut. Elle lui avait même fait répété sa demande, deux fois, afin d’être sûre d’avoir bien compris. De l’ananas et de l’artichaut ? Pire, elle s’était même cru obligée d’aller demander la permission à son manager. Pouvait-on commettre un tel sacrilège gustatif quand, comme elle, on avait l’amour de la pizza, de la vraie pizza ? N’y avait-il pas de loi contre ça ? Mais elle l’avait fait, la mort dans l’âme, et Bonaventure avait pu profiter d’un supplément exceptionnel de fibres et de vitamines. Tout le temps qu’avait duré cette commande, il n’avait su où se mettre, il n’avait eu qu’une envie, disparaître sous terre. Jamais ne s’était-il senti aussi sale de toute son existence.
Il fut heureux de voir que le portrait chinois déclencha davantage d’enthousiasme chez son cousin, chassant momentanément de son esprit l’épisode de la pizza breizho-hawaïenne. Il s’impliquait dans le processus, c’était bon signe, et même si ces idées n’étaient pas toutes clairvoyantes (il était par exemple évident qu’il était un tigre de Sibérie, ou éventuellement un bulot, mais le pigeon non, il ne voyait pas). Il ne se rappelait pas avoir jamais chié sur la tête de personne, et ça suffisait amplement à discréditer cette proposition. Mais il ravala sa fierté et accepta de devenir un pigeon, comme celui qu’il aimait bien, dans les Animaniacs. Le ton grincheux de James le convint d’opter pour le corbeau, même s’il restait persuadé qu’il aurait fait un très honorable pécari. Et tandis qu’il réfléchissait au personnage de fiction qui lui ressemblait le plus (définitivement James Bond), il fut sommé de dire combien de temps il avait consacré à cette démarche.  

« Ça fait des semaines que je planche sur le sujet, pourquoi ? Tu es impressionné par la profondeur de mes analyses, c’est ça ? Tu te demandes comment quelqu’un peut-il te connaître si bien, peut-être mieux que tu ne te connais toi-même. C’est parce que je me soucie beaucoup de toi, et que ça fait des années que je t’observe. Et je n’ai pas peur de le dire : si je suis devenu l’homme que tu as devant toi aujourd’hui devant toi, c’est un peu grâce à toi. »

Outch. Il est des révélations qui font plus mal que d’autre.

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MessageSujet: Re: Bonaventure, ou le Cupidon réincarné   Bonaventure, ou le Cupidon réincarné EmptySam 29 Mai - 14:38

Une fois de plus, Bonaventure essayait d'esquiver le fait qu'il n'avait mangé ni fruit, ni légume ce jour-là. Parfois, James avait l'impression de vivre avec un enfant de trois ans... pas fut-fut, mais assez ingénieux pour trouver comment contourner ce qu'on lui imposait. À chaque fois, James était consterné mais également quelque peu impressionné par les chemins de pensées de son cousin. Il se leva, et alla chercher dans la cuisine les dites carotte et pomme, pour les déposer sur la table basse devant son cousin. « Mange ça, ou la pizza est annulée ET je ne te laisse plus me faire un profil sur tes vieux sites inutiles. »

Il resta là, debout, les bras croisés, un air intransigeant sur le visage. Bonaventure allait pouvoir chouiner tant qu'il le voulait, James comptait bien le sauver du diabète. Il se disait d'ailleurs parfois que son oncle et sa tante devrait lui donner une prime pour s'occuper ainsi de leur fils. La légion d'honneur ne serait pas de trop non plus, d'ailleurs.

Il aurait également donné la moitié de sa fortune à la recherche contre le cancer et aux orphelins, et avec l'autre moitié il aurait pu partir vivre confortablement et prendre sa retraite de Bonaventure, tout en s'assurant qu'il n'était pas laissé seul avec ses terribles choix de vie. Il était comme ça, James. Un vrai saint.

Quant au portrait chinois que lui avait fait Bonaventure, il se trouvait là carrément consterné. Rien n'allait, et il avait peur de savoir combien de temps son cousin avait pu passer là-dessus. Beaucoup trop, c'était certain. Des semaines, finit par lui annoncer Bo, bien trop fier, confirmant les doutes de James. Tout ce temps à essayer de trouver le portrait chinois de James, au lieu de simplement le lui demander. Il soupira face au monologue de son cousin.

« Je ne sais pas si "impressionné" est l'adjectif pouvant me décrire le plus actuellement, pour tout te dire.  Mais voyons le bon côté des choses ; je crois que c'est l'une des premières fois que je te vois t'impliquer autant dans un projet, aussi... particulier soit-il. C'est déjà un début. J'espère qu'un jour, Bo - et je pense sincèrement ce que je vais te dire - qu'un jour, nous pourrons mettre ta formidable énergie chaotique au service du bien.  D'ici-là, je te conseille de ne pas vouloir faire de ces portraits chinois ton métier, tu risquerais de faire faillite assez vite.»

Quoique Bo avait toujours eu un certain talent pour se sortir de toutes sortes de situations, talent qui épatait toujours James. Cela expliquait comment il avait fait pour survivre dans ce monde si longtemps. C'était un peu le Forrest Gump de la vraie vie, en fait. James espérait très fortement que Bo ne soit jamais papa, cependant. Un seul Bo suffisait.
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