After all this time… + Solo

After all this time…

Le 11/05/2021 en fin de journée, Solo

Et une nouvelle journée qui s’achève. Celle-ci fut plutôt calme et j’avoue volontiers que ce n’est pas pour me déplaire. Ça fait quand même déjà bientôt deux mois que mon rythme de vie a totalement changé. Désormais, je me lève aux aurores, parfois même en pleine nuit si mon carnet de commande est plein, histoire de m’avancer un peu sur mes commandes sans oublier pour autant de continuer à proposer une vitrine pleine et bien garnie à tous mes autres clients de passage. Donc, de temps en temps, comme aujourd’hui par exemple, avoir un jour plus calme où je pouvais prendre le temps de dresser mes desserts tranquillement et même de papoter un peu avec mes clients…ça faisait du bien.

Il est 16h30 passé, l’heure à laquelle la pâtisserie ferme ses portes en semaine. En verrouillant la porte d’accès derrière moi, je jette un coup d’œil à l’endroit (photo). Cosy, agréable, presque cocooning, je constate aussi qu’il y avait pas mal de places libres. Pourquoi pas faire aussi salon de thé ? Il y en avait bien déjà un – forcément…je me rappelais que je me trouvais dans LE pays de la plus forte consommation de thé ! – mais pourquoi pas tenter le coup, moi aussi ? Certes, ce serait de la concurrence et peut-être celle-ci serait mal vu, mal venue, de la part d’une étrangère, une Américaine déguisée en Irlandaise endeuillée. Une menteuse, en quelque sorte. A cette pensée, mon esprit se rembrunit et mon idée, qui semblait pourtant si prometteuse lorsqu’elle me vint, eut soudain quelque chose de sombre et d’amer. Je fronçais les sourcils, secouais la tête comme si cela aurait pour effet de chasser cette idée de ma tête, glissais la clé dans la serrure et verrouillais la porte derrière moi. Un bref saut dans mon appartement juste au-dessus pour prendre une veste légère et mon sac et me voilà dehors, dans la rue, marchant en direction de l’église.

Il n’y avait pas d’office aujourd’hui, mais les portes de l’église étaient toujours ouvertes et, en digne croyante que j’ai toujours été depuis mon enfance, il m’arrivait de m’y rendre en semaine, sans attendre le dimanche et la messe, rien que pour m’asseoir sur un banc, savourer la quiétude et la paix du lieu et prier. Prier pour tous ceux que j’ai dû abandonner derrière moi. Mes parents…Ils me manquaient tellement. Je revois encore leurs regards remplis de larmes à l’idée qu’ils ne pourront plus jamais revoir leur fille et leur petite-fille à cause de l’homme dangereux et violent que j’avais épousé. D’ailleurs, aussi incompréhensible cela puisse-t-il être, il m’arrive encore de penser à Jack. Malgré tout ce qu’il m’a fait subir, tant physiquement que moralement, parfois, je repensais à lui. Pas à l’homme qu’il était sur les dernières années de notre mariage, mais à celui, doux, charmant, gentil, que j’ai connu ce soir du 4 Juillet 2000, qui a fait chavirer mon cœur et qui avait chanté avec moi, ce même soir. C’est à cet homme-là que je repense mais celui-ci était mort, remplacé par un autre homme qui m’était étranger. Un homme violent et cruel, un trafiquant de drogue, un tortionnaire envers ses ennemis et un ami craint de ses alliés. Et pourtant, en prenant place sur l’un des bancs, seule dans l’église, je priais pour la rédemption de cet homme-là, pour le salut de son âme et pour que ses années de prison lui fassent réaliser tout ce qu’il avait perdu et détruit, à commencer par l’amour de sa femme et de sa fille. Je finis par me lever et par me diriger vers le petit présentoir où, moyennant le don de votre choix, l’on pouvait allumer une petite bougie. Je glissais deux pièces d’argent dans le boîtier en fer réservé aux dons, allumais une bougie à l’aide d’une autre et la regardais un instant briller doucement avant de me signer puis de faire demi-tour pour m’en retourner chez moi.

Dehors, la fin de la journée avait amené avec elle une bise plus fraîche en provenance de la mer. Je rabattis ma veste contre moi et commençais à traverser la petite esplanade devant l’église lorsque j’entendis une voix, dans mon dos, qui me figea sur place et me bloqua le souffle. Je sentis mon cœur s’accélérer à tel point que s’en fut presque douloureux. Haletante, je fermais les yeux, tentant de me convaincre que j’avais rêvé, que ce n’était que le vent qui, s’engouffrant entre les bâtiments, m’avait fait halluciner. Mais j’entendis alors des pas sur les pavés et j’aurais reconnu cette démarche parmi une dizaine d’autres, sinon plus. Les bras serrés contre mon corps, cette fois plus par protection que parce que j’avais froid, je me retournais lentement et plaquais aussitôt une de mes mains sur ma bouche pour étouffer un cri. Il était là, à à peine deux mètres de moi :

Salut bébé, me dit-il avant que je ne sente mes jambes m’échapper et des bras, ses bras, se refermer autour de moi…

To be continued…