Soirée jeu de plateau chez Shay

  Il voudrait des fois inventer les conneries de ses étudiants, se dit bien qu’il a l’air d’exagérer quand il sort des choses aussi grosses que la dernière montagne qu’il a grimpée, son ex excepté. Raconter des blagues sur des élèves bien plus sages qu’ils n’en ont l’air et ensuite dire ‘non, j’ai inventé, ce sont des anges’. Ce serait si reposant et si fantastique, plutôt que de se taper les futurs millionnaires de Brighton qui pensent qu’influenceur leur permettra de tenir toute leur vie et qu’ils n’ont qu’à percer sur Instagram pour finir leur vie dans le luxe, qui ne prennent l’économie que pour une raison qu’il manque à Caleb. Ils ne sont pas beaucoup intéressés pour la plupart, tant pis pour eux : Caleb sait les recadrer sans les descendre bien qu’il n’aille jamais jusqu’à chanter Disney avec eux. En haussant les épaules à la phrase de Shay il indique qu’il ne sait pas ce qui peut pousser des jeunes inconscients complètement cons à chanter Disney en le regardant.
La jeunesse, sans doute. C’était pas son cas plus jeune, il a gardé toute la folie de ses jeunes années pour l’extérieur de l’université, à se peler le cul en Ecosse en baragouinant qu’il avait l’âge pour rentrer dans les boîtes.

La partie passe plutôt rapidement. Tout va plus vite quand la compagnie est bonne, la bouffe aussi, et que l’on n’a plus le cul cisaillé en deux par un jean mal mis. Et quand on comprend le jeu alors tout est parfait. La nuit est bien avancée quand ils arrivent à la conclusion dramatique du jeu – dramatique pour Caleb – et en entendant Shay bâiller il serre fort les mâchoires pour s’empêcher de le suivre. Disons que son haleine ne pardonnerait pas, vu leur nourriture de la soirée, et qu’intoxiquer ses nouvelles connaissances n’était pas forcément au programme de la fin de la journée.

Il se sent bien, avec eux. C’est un fait. Bien entendu il a Darcy, il a d’autres avec qui il se sent à l’aise, mais personne de nouveau. C’est un soulagement certain de ne plus être seul dans un bar à ruminer ses pensées loin d’une maison en ruines et probablement hantée. Ca fait du bien de retrouver la civilisation. De tout simplement s’entendre avec quelqu’un. Avec un regard vers le médecin, il lui tapote l’épaule. « C’est pas pour dire que je n’aime pas ta compagnie mais tu as l’air tout de même crevé. L’air concerné sur ses traits, le froncement de ses sourcils et l’envie de ne pas s’imposer forment un trio qui va presque bien à son teint. Je ne voudrais pas que tu t’endormes demain au taf à cause de nous parce qu’on t’a gardé réveillé toute la nuit… A jouer au trivial pursuit ou que sais-je. » Bien rattrapé, Caleb. Bien rattrapé. Ilfait glisser l’assiette de cookies vers Blaine – sers-toi, ils sont bons, j’en sais quelque chose - avec un sourire engageant.

« Je crois que je ne vais pas m’imposer trop longtemps. Je t’aide à ranger et après zou, aux plumes tous les trois. » Il lève les yeux au ciel en se levant lui-même, presque protecteur du gars qui l’a juste invité à jouer putain. On ne le refera pas. Il s’étire un peu d’être trop longtemps resté assis. « En tout cas oui, on refera, si t’es d’accord Blaine. C’était cool. Si je croise des jeux sympas dans le placard de ma maison je te tiens au courant par message. »
C’était vraiment sympa. Même le rangement du tout est sympa. Caleb n’arrive pas à se souvenir de la dernière fois où il a passé une soirée intéressante et pleine de bonnes choses, de magnifique compagnie et de découvertes inattendues. Un an, sans doute bien plus.