the marvelous adventures of charlotte and darcy (#charlotte)

L’eau brûlante de la douche lui ruissèle dessus tandis qu’elle fredonne un air connu qu’elle a probablement récemment entendu à la radio et qui lui tourne dans la tête depuis des jours sans discontinuer. Une vieille chanson de Leona Lewis qu’elle prend plaisir à massacrer sans vergogne et sans pitié pour les voisins en prenant la bouteille de shampoing pour un micro. Nunzio est parti dieu sait où tôt le matin en la laissant profiter de sa grasse matinée. Darcy sait apprécier les petites attentions du genre. Un petit mot sur l’oreiller lui indiquant de se servir dans les placards ou le réfrigérateur en cas de fringale, de passer une belle journée et de bien penser à claquer la porte en partant. Alors la blonde traine un peu, profite du confort de l’appartement de son hôte. Il faut dire que ça lui change du placard à balai qu’elle loue depuis quatorze ans sur Orchard Street, avec les chiottes et la douche sur le palier. Elle se contente de peu, Darcy, pas du genre à se plaindre, mais elle sait aussi profiter des petits plaisirs que la vie lui offre de temps à autre. Affalée la tête à l’envers sur le canapé, vêtue en tout et pour tout d’une serviette légèrement humide, elle mate un épisode des Simpson en enfournant dans sa bouche des M&M’s par poignée. Les placards de Nunzio sont remplis de ce genre de petits trésors. Elle aime à penser qu’il fait cela uniquement pour lui faire plaisir et l’idée lui colle des papillons dans le ventre. Lorsqu’elle est avec lui, elle redevient aussi mièvre que les adolescentes dans les séries pleines de clichés qu’elle regarde parfois avec Caleb.

Un coup d’œil sur la pendule lui indique qu’il serait probablement temps de se sortir les doigts du cul et de commencer à se préparer. Aujourd’hui, elle est en mission spéciale. L’idée lui arrache un petit gloussement idiot. Voilà maintenant deux semaines qu’elle traque une petite souris un peu trop curieuse. Charlotte Sorensen. Vingt ans tout rond. Etudiante à plein temps, mécanicienne à mi-temps. Pas de casier. Pas d’antécédent de santé. Rien qui sorte de l’ordinaire à première vue. A part bien sûr son intérêt particulier pour Caelan. Alors qu’elle claque la porte de l’appartement de Nunzio, l’esprit de Darcy s’emballe. Elle s’est fait une centaine de scénarios tous plus extravagants les uns que les autres et trépigne littéralement d’impatience à l’idée de tirer enfin cette étrange histoire au clair. Curieusement, elle a décidé de ne pas en parler au principal intéressé. Probablement qu’il lui en voudra quand il finira par l’apprendre, parce qu’il digère mal les secrets. Mais cette petite aventure au doux parfum de mystère lui donne envie de se la jouer Detective Collins. Peut-être que c’est seulement la gamine d’un pauvre type qu’il aurait arnaqué par le passé et qui chercherait aujourd’hui à se venger. Peut-être que c’est une môme ayant pris connaissance de ses activités annexes qui cherche à lui faire du chantage. L’instinct de la blonde est pourtant formel : il s’agit de quelque chose de plus intéressant. De plus croustillant. Et lorsque Darcy entre finalement dans le cybercafé après avoir fait un crochet au salon thé pour embarquer des boissons chaudes, il lui suffit d’un seul coup d’œil pour repérer la petite curieuse assise un peu plus loin.

Sans se démonter, et le sourire aux lèvres, elle marche d’un pas enthousiaste en direction de la jeune pirate, prenant garde à ne pas renverser ses boissons. Arrivée à son niveau, elle se plante derrière elle et se penche négligemment pour inspecter ce qui se passe à l’écran, sa tête par-dessus l’épaule de la blonde. Mue par une impulsion soudaine, elle pointe du doigt une ligne de code qui lui saute aux yeux. « Personnellement j’aurais pas fait comme ça. Ta fonction là, elle échappe pas les caractères spéciaux sur ta commande SQL. Ta requête fonctionnera pas. Et puis, c’est pas malin de faire ce genre de truc sur un ordinateur vérolé. Le pare-feu de ces ordis est plus poreux qu’un gruyère. Tu devrais faire plus attention Charlotte. » Elle claque son prénom comme une évidence sans même se rendre compte que la petite blonde pourrait se sentir menacer qu’une inconnue débarque dans son espace vital en connaissant son identité. Parce qu’elle ne pense pas à mal, Darcy. Elle n’est pas venue jusqu’ici pour régler ses comptes avec la gamine ou faire pression sur elle. En tout état de cause, elle est en train de se mêler de ce qui ne la regarde absolument. Et elle n’a même pas d’excuse valable à fournir, juste une sacrée dose de curiosité peut-être un peu déplacée. Surement qu’il y aussi une volonté à peine déguisée de protéger Caelan, de s’assurer que les intentions de l’étudiantes ne sont pas malveillantes ou intéressées. Alors elle vient s’installer sur la chaise voisine de celle de Charlotte sans même attendre d’y avoir été invitée et pose son café sur le petit bureau. Après tout, c’est un endroit public pas vrai ? Alors elle est dans son bon droit. Et puis, ce n’est pas comme si elle pouvait inspirer de la crainte avec ses cinquante-cinq kilos toute mouillée. Un sourire enjoué sur les lèvres, un de ceux qui ne la quitte que rarement, elle tend sa main en direction de la jeune fille pour la saluer en bonne et due forme. Elle s’attend à moitié à se prendre un vent mais qu’à cela ne tienne. « Ah oui au fait, moi c’est Darcy. Darcy Collins, enchantée. J’crois pas t’avoir déjà croisée en ville, j’ai une bonne mémoire des visages. Enfin bref, c’est pas vraiment important. Café ? » Elle hausse un sourcil en lui tendant un gobelet taille extra large d’un americano encore fumant provenant du café du bout de la rue. C’est peut-être une sorte de gage de paix, une façon de lui montrer qu’elle ne vient pas ouvrir les hostilités. Ce serait dommage de faire fuir la gosse avant d’avoir obtenu la moindre réponse.