he drinks like a fish and he's gonna fly like a stone (ft. damian)

Ronan ne supportait déjà plus la maison de son enfance. Cela faisait à peine quelques jours qu'il était arrivé mais il se sentait déjà de trop. Il aurait mieux fait de réserver un airbnb, tout cela ne rimait à rien. Sa mère se forçait à faire semblant tout en continuant à essayer de gérer au mieux son propre deuil. Ses frères étaient froids, fermés. Et son père, là haut, devait bien se marrer.  Sur un coup de tête, il attrapa son manteau noir et claqua la porte de la maison.

Les mains dans les poches, il erra dans les rues de Donwell alors que le soleil disparaissait derrière l'horizon. Il zona sans trop de but, il ne voulait juste plus avoir affaire à sa famille. Il sentit certains regards le dévisager comme si on le reconnaissait, mais peut-être que cette histoire le rendait simplement parano. A force de déambuler, il finit par arriver devant le White Horse. Il soupira. C'était là qu'il avait bu ses premières pintes. A l'époque, personne n'avait daigné lui demander sa carte d'identité alors qu'il n'avait que 17 ans.

Il poussa les portes de l'établissement, et alla au bar commander une pinte d'ambrée. L'affluence était forte, c'était l'heure de pointe. L'agitation avait quelque chose de réconfortant, cela lui rappelait le bruit de la capitale, rassurant face au calme assourdissant de Donwell. Il s'imprégna de l'ambiance, et finit rapidement sa pinte, en commanda une autre. Il ressentait enfin un peu de chaleur, sans savoir si c'était à cause de la boisson ou du monde autour de lui. Certainement un peu des deux. La seconde pinte fut plus facile à descendre que la première. Il ne se rendit pas vraiment compte du mal qui avait été fait jusqu'au moment où il fallut se lever pour aller aux toilettes. Et oui, un litre de bière, ça doit forcément aller quelque part. Vascillant, s'appuyant sur les épaules des gens qui se trouvaient dans sa trajectoire, il atteignit tant bien que mal les urinoirs pour faire sa besogne.

Son univers commençait à pencher un peu. Elle était à combien de degrés, cette bière? Il se lava les mains, passa un peu d'eau sur son visage et tenta de reprendre ses esprits. Il croisa son propre regard dans le miroir et détesta ce qu'il y vit. Les cheveux mal arrangés, la mine pâle, on avait connu plus attrayant. Son humeur retomba au plus bas. Il retourna au bar, commanda une troisième pinte. Ce fut sûrement celle de trop. Il commença à déverser son mal-être sur le barman qui n'avait rien demandé.

" Vous savez, je suis sûr qu'il l'a fait exprès. C'est obligé! Mes frangins ont bossé toute leur vie avec lui et c'est à moi qu'il file la boîte. Il l'a fait pour qu'ils me détestent encore plus. Même dans sa mort, il aura été un mauvais père. Il a jamais été là pour moi de toutes façons! C'est qu'un lâche, une figure paternelle en carton. "

Les gens autour de lui, eux aussi un peu éméchés, se mirent à le contre-dire fortement. Ronan n'en démordit pas, il savait qu'il avait raison. Comme d'habitude c'était lui contre le reste du monde.

" Il vous a fait croire que c'était un mec bien, mais vous le connaissez pas! " dit-il, essayant de couvrir le brouhaha qui commençait à monter comme une marrée autour de lui. Debout au milieu du bar avec sa bière, il se tenait aussi droit et digne que possible. C'est pas parce que t'es son gosse que tu peux dire des saloperies! rétorqua quelqu'un non loin de Ronan. " Ben si, justement! Je dis ce que je veux. Comme je l'ai toujours fait. "

Quelqu'un l'attrapa un peu violemment par le col, Ronan ricana. " Qu'est-ce que tu vas me faire, un bisou? " Dernières paroles célèbres. " Désolé gros, t'es pas mon genre. " Il eut un sourire narquois. Quelle tête à claque. Au fond, il se disait qu'une castagne lui remettrait peut-être les idées en place.

Donwell était une ville bien pourrie, mais elle l'était un peu moins depuis que Damian avait daigné parler à son voisin de palier. Depuis qu'il avait revu son ancien lieutenant aussi. C'était sa façon de retomber sur ses pattes après avoir fait la chute de sa vie. Le reste était toujours à chier, hein, n'allait pas lui faire ce qu'il avait pas dit, mais ça l'était un peu moins. Un tout petit peu moins.

Comme à son habitude, Dam Crow rôdait autour du White Horse comme un charognard autour de sa proie : il en était jamais loin, et ce soir ne faisait pas exception, il était parti y boire sa bière. Le pub était bien rempli, à croire qu'il y avait un match de foot : Damian buvait sans soif et sans précipitation, pour s'occuper surtout. Il discutait vaguement avec le barman, mais passait pas mal de temps à observer les alentours, et parfois, quand ses yeux s'égaraient, à regarder la télé.

Il avait capté Ronan peu après son arrivée dans le pub. Comment ne pas le remarquer, sérieusement ? Dam se demanda s'il avait pas un crush sur lui (il avait un crush sur trop de monde, faudrait en parler un jour ça, monsieur !) avant de noter à quel point Ronan avait pris cher dans la gueule. À peu de choses près, il avait l'air aussi shlagos que Dam... ce qui n'était pas peu dire.

La soirée continua, jusqu'à ce que Ronan prenne la pinte de trop et ne commence à confondre le barman avec un psy. Bientôt, ce fut tout le bar qui fut pris à parti, contredisant un Ronan qui avait l'air d'en avoir gros sur la patate. Pauvre gars qui se donnait en spectacle sans avoir l'air de le réaliser, sans comprendre que personne n'allait l'écouter dans l'état où il était. Dam Crow n'était pas mieux parfois, mais ce soir il n'avait pas descendu sa bière si vite que ça et était seulement à sa seconde pinte.

Quand ça commençait à vouloir se battre, Dam finit sa bière cul sec avant de la poser sur le bar.

— Je m'en occupe, dit-il simplement au barman, avant de s'avancer vers l'attroupement. Fermez-là tous, toi y compris, Ronan. Vous avez tous trop bu et vous allez finir par vous en foutre sur la gueule— ce qui est une réponse acceptable selon mes standards mais par respect pour notre barman préféré et son pub qui est un endroit de paix et d'amour, allons jouer à Fight Club dehors, ok ?

Il choppa alors Ronan par les épaules, et l'emmena dehors en se demandant si des abrutis allaient les suivre. D'un coup d'œil, le barman le remercia, et ils furent dehors.

— Qu'est-ce que tu fous, p'tain ? Tu cherches à te faire casser la gueule ou quoi...?

Derrière eux, quelqu'un répondit à l'affirmative. Ok ok, ça allait mal finir. Soupirant ostensiblement, Dam Crow lâcha Ronan pour se tourner vers l'un des gars qu'étaient pas d'accord tout à l'heure, et qui avait l'air de vouloir en découdre. Qu'à cela ne tienne : Dam lui décocha un bon coup de poing dans la gueule.

— Toi, tu fermes ta gueule aussi ! Connard ! J'parle à mon pote, ok ?

Parce que ouais, Ronan, après avoir balancé à quel point Donwell et ses habitants c'était de la merde, bah c'était le pote de Dam. Pis il était pas dégueulasse non plus, même avec sa tête de déterré. P'tain, elle était forte la bière en fait.