we gave our all right from the start (miles & philipp)

Philipp avait été extrêmement soulagé de pouvoir voyager avec l’équipe d’Angleterre pour leur match de qualification pour la coupe du monde. Après la défaite en coupe contre Arsenal il avait ressenti une légère gêne derrière la cuisse, et aussi dur que ce soit pour lui de l’admettre, il devait remercier le kiné du club pour son travail. Grâce à Eden, il n’avait pas eu besoin de rester loin des terrains bien longtemps, et il avait même pu être sélectionné par le coach Anglais pour les matchs internationaux. Il savait que son club aurait préféré le garder pour qu’il se repose, mais il n’avait pas pu rater l’occasion de jouer pour les three lions. Il aimait jouer en club, avoir des matchs toutes les semaines, mais les matchs internationaux avaient toujours une saveur particulière pour lui. Il se sentait honoré de pouvoir jouer pour l’Angleterre, et il savait que sa mère regarderait le match avec attention. C’était surtout pour elle qu’il tenait tant à jouer avec la sélection, et c’était pour elle qu’il avait choisi l’Angleterre plutôt que l’Allemagne. Il espérait simplement pouvoir la rendre fière, et il ferait tout son possible pour que ce soit le cas. Il savait qu’il avait eu de la chance que Nolan O’Connor soit indisponible, que ça augmentait ses chances d’être titulaire, mais il ferait tout son possible pour montrer au sélectionneur qu’il ne regretterait pas son choix. Et puis, il finirait bien par voir que Philipp était bien au-dessus de Miles sur le terrain, et avec un peu de chance il finirait par être aligné avec Connor pour les prochains matchs.

Le bus qui les transportait de l’aéroport jusqu’à leur hôtel dans Paris s’arrêta et Philipp aperçut une petite foule déjà dehors. Ils criaient pour les accueillir, et Philipp remonta le son de sa musique pour ne pas les entendre. Il était reconnaissant du soutien des supporters mais il ne voulait pas se laisser déconcentrer ou commencer à avoir la grosse tête, c’était la pire chose à faire avant un match aussi capital. Il descendit du bus derrière ses coéquipiers et suivit le reste du groupe dans l’hôtel, directement dans une salle de réunion qui avait été aménagée pour eux. Le sélectionneur ferma la porte derrière le groupe et Philipp coupa sa musique avant d’enlever son casque pour écouter ce qu’il avait à dire. ”Écoutez moi bien. Demain on joue un match capital pour la qualification à la coupe du monde, on ne peut pas se permettre de perdre. Surtout pas contre la France, je vous laisse imaginer les articles dans la presse.” Du genre un peu old school, leur entraîneur avait un franc parler que Philipp appréciait, même s’ils n’étaient pas d’accord sur tout. Il avait fait du bon boulot avec la sélection, et c’était tout ce qui importait. ”Comme d’habitude, l’équipe vous a fait un planning avec les horaires et la liste des chambres. Vous avez 1 heure pour poser vos affaires avant de partir pour l’entrainement.” Philipp aperçut plusieurs joueurs hocher la tête tandis que le staff passait parmi les joueurs pour leur fournir leur planning. Philipp attrapa le sien avec un petit geste de remerciement, mais faillit laisser tomber son sac en lisant la fiche. Il allait partager sa chambre avec Miles, ne manquait plus que ça. Il fit un pas en direction du coach tandis que plusieurs joueurs avaient déjà commencé à sortir de la pièce. ”Hey, coach, je ne pourrais pas changer de chambre ?” La haine réciproque entre les deux joueurs n’était un secret pour personne, encore moins en équipe nationale, et Philipp avait bon espoir que le sélectionneur comprenne.

Philipp pouvait deviner la réponse du sélectionneur avant qu’il n’ait ouvert la bouche. Tout se lisait dans son regard blasé et son expression ferme. C’était non. Philipp était sur le point de protester quand le sélectionneur enchaina, leur expliquant la raison derrière son choix, et même si Philipp pouvait admettre que sa décision était logique, il ne l’acceptait pas mieux pour autant. Il n’avait pas besoin de passer du temps avec Miles pour jouer avec lui. Le football n’avait rien à voir avec leur relation personnelle, et il savait qu’il arriverait à faire la part des choses sur le terrain. En tout cas il ferait de son mieux. Il s’était préparé mentalement à mettre leur haine de côté pendant les matchs internationaux, mais passer plusieurs jours dans la même chambre que Miles, c’était une autre affaire. Il n’avait aucune envie de devoir dormir à côté, partager une salle de bain, et malgré tous ses efforts pour se convaincre du contraire, cette idée l’effrayait plus qu’elle ne l’agaçait réellement. Passer autant de temps avec Miles était un risque, mais il ne l’admettrait jamais. Il comprit à l’attitude du sélectionneur qu’il ne servirait à rien d’argumenter, et il ravala sa réponse avec amertume. C’était la pire chose qui aurait pu lui arriver pendant cette trêve internationale, et il était persuadé que Miles pensait exactement comme lui sur ce sujet, mais au moins lui ne semblait pas avoir autant de mal à partager la chambre d’un autre homme. Il regarda le coach s’éloigner et était en train d’attraper son sac quand il entendit Miles lui parler. Il mit quelques secondes à comprendre ce que son coéquipier lui avait dit, mais quand il réalisa finalement ce que le joueur d’Arsenal sous-entendait, il était déjà parti en direction des ascenseurs. Furieux, Philipp attrapa son sac d’un grand geste de la main avant de presser le pas pour rattraper son ancien ami d’enfance. Il jeta des regards inquiets autour de lui avant de rattraper Miles dans le hall de l’immeuble. ”Ça va pas de dire des choses comme ça ici ?” Il attrapa furtivement le bras de l’autre joueur pour le forcer à ralentir, mais pas assez longtemps pour que leurs coéquipiers ne puissent le voir. Il était presque sur que personne n’avait entendu la remarque de Miles, mais il ne tenait pas à ce qu’on les voit en contact, ne serait-ce que par prudence. ”T’es vraiment un détraqué. Tu fais ce que tu veux en dehors du foot, mais ne me mêle pas à tes histoires glauques.” Philipp lui lança un regard noir, hors de lui. Il était énervé d’entendre Miles tourner en dérision quelque chose dont Philipp avait toujours eu honte, et pire que tout, d’oser en faire une blague là où d’autres joueurs pouvaient les entendre. La camaraderie entre les joueurs était réelle pour certains, mais une illusion pour d’autres, et Philipp n’aurait jamais fait confiance à ses coéquipiers d’équipe nationale pour garder un secret. Alors si Miles trouvait ça drole, c’était son problème, mais Philipp ne le laisserait pas lancer une rumeur qui risquerait de ruiner sa carrière.

Philipp était hors de lui, paniqué à l’idée que leurs coéquipiers aient pu voir ou entendre quelque chose, mais même dans sa panique, il ne pouvait pas complètement ignorer la petite boule au fond de son estomac. Miles s’était tendu à côté de lui, mais Philipp se força à se dire que ça ne lui faisait rien, que son ancien coéquipier l’avait cherché à faire ses vannes en public, devant tout le monde. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et Philipp suivit Miles à l’intérieur, le ventre noué, sans réussir à comprendre pourquoi. Ou plutôt, sans vouloir l’admettre. Il pouvait presque sentir la colère de Miles à travers sa peau, et Philipp se prit à espérer qu’un autre joueur les rejoigne, mais les portes se fermèrent quelques secondes après, sans que personne ne les ait rejoint. Il sentit son coéquipier se tourner vers lui mais resta de marbre, se forçant à observer les boutons de l’ascenseur comme s’ils détenaient les secrets de l’univers. ll sentit ses muscles se tendre, mais sans réussir à savoir si c’était de colère, de peur, ou d’autre chose de plus effrayant encore. Il arrivait à entendre de la tristesse dans la voix de Miles, mais il aurait préféré entendre de la colère. La colère, il connaissait, il savait gérer, mais ça, non. Il ne prit pas la peine de répondre, la question de Miles était rhétorique, mais elle le força à réfléchir. Non, il ne pensait pas ça de lui, malgré tout ce qu’il pouvait dire, tout ce qu’il pouvait se répéter à lui-même, mais il ne pourrait jamais se permettre de l’admettre. Si un jour quelqu’un apprenait l’orientation sexuelle de Miles, tous ses proches seraient traînés dans l’affaire, et ne serait-ce que pour ça, Philipp ne pouvait pas se permettre de trop se montrer avec Miles. Philipp se tourna instinctivement vers son coéquipier d’équipe nationale en l’entendant parler de ses partenaires, mais il baissa immédiatement les yeux, les poings serrés. Miles tentait de le provoquer, c’est tout. Philipp savait qu’aucun joueur de Chelsea n’était gay, ou en tout cas qu’aucun n’oserait le montrer. Miles bluffait, il en était sûr. Il laissa échapper un son entre un petit rire et un soupir sarcastique en entendant la suite. Ils n’avaient pas besoin de s’apprécier pour jouer ensemble. Philipp n’appréciait pas la moitié de ses coéquipiers, et ça ne l’empêchait pas de rester pro sur le terrain. Miles avait peut-être besoin de se sentir proche de ses collègues, mais Philipp non. ”Parce que tu crois que j’y pense encore ?” Philipp avait répondu sans réfléchir, instinctivement. Miles avait touché un point sensible, non pas qu’il l’admettrait. Tout le problème était là, justement, il n’avait jamais digéré. Il ne pouvait pas digérer. Comment aurait-il pu passer à autre chose et faire comme si rien ne s’était passé ? ”Tu ne te prends vraiment pas pour de la merde.” Il détourna le regard, se concentrant sur le mur de l’ascenseur tandis que la boule au creux de son ventre semblait grossir avec chaque seconde qui passait. Et pourtant, il aurait été incapable de dire ce qui la provoquait, si c’était le fait de savoir qu’il était allé trop loin, si c’était le fait de voir que Miles avait raison, ou si c’était la note de tristesse qu’il avait entendu dans la voix de son ami d’enfane, et le fait de savoir que c’était lui qui l’avait provoquée. Il s’éclaircit la gorge pour tenter de garder la maîtrise de sa voix, pour qu’elle montre l’assurance qu’il ne ressentait pas. Qu’il n’avait jamais ressenti avec Miles. ”Tout ce que je te demande, c’est d’être pro. Je suis là pour jouer au foot, c’est tout.” C’était sa façon de s’excuser, il n’irait pas plus loin que ça, même s’il savait très bien qu’il n’avait rien admis. Au moins il tentait de calmer le jeu, mais malgré tout ce qu’il se disait pour tenter de se convaincre, la boule au ventre ne partait pas. Il concentra à nouveau son regard sur les boutons de l’ascenseur, par peur de perdre son sang froid en croisant le regard de Miles. Il n’avait pas l’air capable de se maitriser avec son ancien coéquipier, dans un sens ou dans l’autre. Il avait appris à maîtriser ses émotions avec les années, mais avec Miles il était toujours dans l’excès. Il y avait juste quelque chose chez lui qui le faisait sortir de ses gonds. ”Reste en dehors de mon chemin, et je resterai hors du tien, ok ?”

La réponse de Miles ne le fit pas sourire, bien au contraire, mais Philipp s’efforça de n’en rien laisser paraître. Aussi dur que ce soit pour lui de l’admettre, il savait qu’il était allé trop loin, et qu’il ne pouvait pas se permettre de continuer à agresser Miles constamment, même si ça semblait être son premier réflexe. Ils allaient devoir jouer plusieurs matchs internationaux ensemble, et partager leurs chambres pendant la trêve, et même si Philipp n’avait aucune intention de se rapprocher de Miles, il savait qu’il valait mieux au moins rester civil. Ne pas être ouvertement en guerre tout du moins. Il s’attendait presque à ce que Miles insiste et lui demande d’admettre qu’il avait eu tort, mais le joueur d’Arsenal n’en fit rien, et se contenta d’accepter sa proposition avant de sortir de l’ascenseur. La conscience légèrement soulagée, Philipp le suivit dans les couloirs de l’hôtel supposant qu’il savait où il allait. Il rentra dans la chambre après lui et nota avec amertume que l’espace entre les deux lits n’était pas gigantesque. Il remercia Miles d’un signe de tête pour lui avoir tenu la porte et le suivit dans la chambre, ses muscles se crispant à la seconde où la porte claqua dans son dos. Il ne savait pas depuis combien de temps il ne s’était pas retrouvé seul dans une pièce avec Miles, mais il avait la sensation que ça ne leur était pas arrivé depuis l’incident. Il avait tout fait pour en tout cas. Il posa son sac sur le lit que Miles n’avait pas choisi mais détourna rapidement le regard en voyant le joueur d’Arsenal commencer à se déshabiller pour enfiler son jogging. Il se tourna instinctivement vers la fenêtre de la chambre, faisant semblant d’observer la vue du parking de l'hôtel pour cacher ses joues écarlates. Il savait qu’il n’y avait rien d’étrange à ce que deux hommes se changent ensemble, surtout quand ils étaient obligés de partager une chambre, et ça lui était arrivé souvent avec ses coéquipiers, mais ce n’était pas pareil avec Miles. Rien n’était pareil avec Miles. Il avait à peine réussi à retrouver une partie de son calme quand il entendit la porte de l’hôtel claquer à nouveau, lui annonçant le départ de Miles. Il sentit tous ses muscles se détendre et posa son front contre le mur, déjà épuisé. Et merde, il n’allait jamais tenir plusieurs jours comme ça, c’était impossible. Philipp prit une longue inspiration avant d’attraper son propre jogging dans son sac. Une minute plus tard, il était habillé et il avait attrapé son petit sac avec son portable et son casque pour prendre la direction du hall. Il arriva alors que la majorité des autres joueurs étaient déjà présents et il dut retenir un juron. Il était toujours le premier à l'entraînement, le dernier à partir. Son deuxième prénom était zèle en temps normal, mais la présence de Miles le perturbait vraiment, quoi qu’il puisse en dire. Il croisa son regard pile au moment où il était en train de se jurer de ne plus se laisser déconcentrer, et il se força à ignorer le petit sursaut au fond de sa poitrine. Il avait suffisamment déconné pour aujourd’hui, il allait se conduire comme un pro à partir de maintenant, Miles ou pas Miles. En tout cas, il allait essayer. Philipp suivit le reste du groupe dans bus, mais s’arrêta dans ses pas en voyant le sélectionneur lui indiquer la place à côté de Miles. Il leva les yeux en direction de leur coach mais ravala sa réponse en voyant son regard. Ça ne servait à rien de discuter à priori, et Philipp se laissa tomber dans le siège à côté de Miles, faisant attention de s’asseoir le plus dans le couloir possible pour être certain de ne pas effleurer son ancien coéquipier. Les yeux résolument tournés vers l’autre côté du bus, il était en train de sortir son casque quand la voix de Miles le prit au dépourvu. Il se tourna vers le joueur d’Arsenal par réflexe, les sourcils froncés. Il s’était presque attendu à ce que Miles se foute de sa gueule, mais son visage était sérieux, sans aucune trace d’hostilité, forçant Philipp à penser qu’il voulait véritablement honorer leur accord. Pas de guerre ouverte, et ça lui allait très bien. Ce qu’il voulait surtout, c’était éviter d’attirer l’attention sur eux. ”Tu parles, j’ai mes deux pires matchs contre vous.” Philipp râla, le visage toujours tourné vers le couloir du bus alors qu’une pensée lui venait. Si Miles trouvait qu’il faisait une bonne saison, c’était qu’il ne se basait pas sur leurs deux confrontations. C’était qu’il avait regardé ses autres matchs, mais après tout, ça n’avait rien d’étrange. Philipp regardait aussi les autres matchs de Premier League pour jauger ses futurs adversaires, et s’il portait une attention particulière aux matchs d’Arsenal c’était parce que Miles et Nolan étaient ses concurrents directs pour la sélection, c’est tout. Philipp tourna son casque dans ses mains, toujours sans se tourner vers Miles. Une partie de lui-même avait envie d’enfiler son casque et de faire comme si Miles n’était pas là, après tout ça lui avait plutôt bien réussi ces dernières années, mais la boule au ventre de tout à l’heure n’était pas encore entièrement partie, et il se sentait redevable. Il n’allait pas en faire trop, mais il avait demandé à Miles d’être pro, et il se devait d’en faire de même. ”Vous êtes plutôt sur une bonne tendance aussi. Heureusement pour toi, Nolan fait le taff.” Un petit sourire au coin des lèvres, Philipp se tourna un instant vers Miles, une seconde, juste pour lui faire comprendre qu’il n’avait pas dit ça pour le vexer. Il avait beau apprécier Nolan et le trouver très bon, il avait toujours admiré le jeu de Miles et il était persuadé qu’Arsenal devait plus sa belle forme au natif de Donwell qu’à son coéquipier. Non pas qu’il allait le dire à Miles, il aurait préféré avaler ses chaussettes après un match. Le bus démarra et Philipp se tourna automatiquement vers la route avant de se laisser retomber dans son siège. ”Tu penses que vous avez encore une chance pour l’Europa League cette saison ?” Il y avait encore quelques heures, il s’était juré d’éviter Miles au maximum, mais puisque leur coach ne leur laissait pas le choix, Philipp avait bien l’intention de respecter leur pacte. Enfin à condition que Miles ne recommence pas avec ses allusions douteuses.

Philipp secoua la tête en entendant la réponse de Miles, autant amusé que vexé. Il savait que Miles le charriait, mais il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir envie de répliquer, de lui prouver que le meilleur à leur poste, c’était lui. Un réflexe de leur adolescence sans doute. Il changea le sujet pour parler des chances d’Arsenal en Europa League, et il dut s’empêcher de ricaner en entendant la réponse de Miles. Il pouvait prendre entendre le sourire de Miles sans avoir besoin de se tourner pour le regarder. Comme quoi certaines choses ne s’oubliaient jamais vraiment. Il n’était pas aussi confiant que Miles sur les chances d’Arsenal dans la compétition européenne, mais il se garda bien de le lui faire remarquer. Miles et Nolan avaient beau être bons, ils n’étaient pas aidés par le reste de leur équipe. Il l’écouta expliquer qu’ils avaient leurs chances contre Madrid d’une oreille distraite, mais il se tourna vers son ancien coéquipier en l’entendant changer de ton. Il était vrai que pas mal de joueurs se blessaient pendant les trêves internationales, ce qui était loin de plaire à leur club, mais Philipp préférait ne pas trop y penser. Il ne voulait pas se porter l'œil. Il hocha la tête pour faire comprendre à Miles qu’il comprenait, mais sans relancer le sujet. Il savait que c’était ridicule, mais comme beaucoup de joueurs, Philipp était un peu superstitieux, et il n’aimait pas l’idée de parler de blessure juste avant un entraînement. Il se sentait un peu mal à l’aise de parler à Miles de cette façon, comme si rien ne s’était passé, comme s’ils étaient juste deux internationaux qui s’étaient croisés une fois ou deux dans la saison. Miles était bien plus que ça pour Philipp, quoi qu’il ait fait pour prétendre le contraire. Il avait pris l’habitude de le détester, d’avoir des réactions extrêmes en sa présence, et cette entente, même temporaire, lui donnait une impression étrange. Étrange… mais pas désagréable. Pas entièrement en tout cas. Il hocha la tête en entendant la question du milieu des Gunners. ”On va la gagner.” Le sourire de Philipp se crispa sur son visage quand il sentit Miles ajuster sa position dans son siège, et venir effleurer sa jambe. Il se décala un peu plus vers le couloir du bus, les sourcils froncés et le poing serré au fond de la poche de son jogging. Il savait que Miles ne l’avait pas fait exprès, que pour une fois il n’essayait pas de le provoquer, mais il ne pouvait pas s’empêcher d’être agacé. Contre lui-même plus que contre Miles. Pourquoi est-ce qu’il se laissait déstabiliser aussi vite ? Il en venait même à se demander si ce n’était pas ce que Miles cherchait. Après tout, coéquipier ou pas en équipe nationale, ils n’en restaient pas moins en compétition pour le même poste. Il avait l’impression que la température était tombée de plusieurs degrés depuis quelques secondes mais il se força à rester calme et ravala la remarque agressive qui lui était venue par réflexe. Il avait promis de faire un effort, et il ne voulait pas lui donner la satisfaction de le voir s’énerver pour quelque chose d’aussi stupide. Philipp plongea ses mains au fond de ses poches et se laissa glisser légèrement dans son siège dans une posture qu’il voulait décontractée mais qui semblait forcée. Son casque était posé sur ses genoux, et il regretta de ne pas l’avoir enfilé avant même de rentrer dans le bus pour qu’on lui fiche la paix. Et pourtant, une partie de lui savait qu’il était plus raisonnable de ne pas antagoniser Miles. Ils ne seraient plus jamais amis comme à l’époque, mais ils n’étaient pas obligés d’être en guerre ouverte pour autant. ”En tout cas j’espère que tu es prêt à tout donner. Je ne supporterais pas de perdre contre l’équipe de France.” Un changement de sujet qui ne pouvait que détendre l’atmosphère. Philipp était plutôt du genre à foncer tête baissé, à mettre les pieds dans le plat et à ne pas mâcher ses mots, mais aujourd’hui, exceptionnellement, il faisait un effort. Plus que la promesse qu’il avait faite, il avait envie de faire un bon match contre la France, aussi bien parce qu’il détestait vraiment les Français que parce qu’il avait envie que sa mère soit fière de lui. Elle regarderait le match, et il savait qu’elle aurait de la peine de le voir faire un sale match et ne pas s’entendre avec Miles sur le terrain. Elle n’avait jamais compris pourquoi ils avaient arrêté de se parler si brutalement, et Philipp n’avait pas essayé de lui expliquer. Il n’aurait pas su par quoi commencer de toute façon.

Philipp savait qu’il avait promis de faire des efforts pour s’entendre avec Miles, mais il se surprenait lui-même à retomber dans de vieilles habitudes, et à parler avec son ancien ami comme à l’époque où ils jouaient ensemble à Donwell. Il faisait un effort pour ignorer la gêne perpétuelle qui régnait entre eux, mais il avait pensé que ce serait beaucoup plus compliqué que cela de parler avec Miles. À vrai dire, il avait même pensé que ce serait impossible, et une partie de lui même n’avait accepté que pour pouvoir montrer à Miles qu’il avait tort, et pourtant… Pourtant ils discutaient sans se prendre la tête, sans se hurler dessus, sans se menacer, et ça faisait bien longtemps que ça ne leur était pas arrivé. Philipp se raidit légèrement en entendant la réponse de Miles, non pas parce qu’il y voyait un sous-entendu quelconque, mais plutôt parce que ça lui rappelait une époque qu’il essayait très fort d’oublier. Il n’y avait rien de mal à dire qu’ils se connaissaient, après tout ils s’étaient connus très jeunes et ce n’était un secret pour personne, mais Philipp se tendit quand même légèrement en entendant Miles dire qu’il le connaissait. Peut-être parce que, justement, il ne le connaissait plus, et que Philipp ne se souvenait que trop bien de pourquoi. Miles enchaîna sans laisser le temps à la gêne de s’installer véritablement, et Philipp se tourna légèrement vers le couloir pour masquer le soulagement sur son visage. Il appréciait cette ambiance cordiale plus qu’il n’aurait aimé l’admettre, même à lui-même, et il n’avait pas hâte que la guerre reprenne, même s’il savait que ça finirait par arriver. Il ferait en sorte de repousser l’échéance le plus longtemps possible. Il laissa échapper un petit ricanement en entendant Miles dire que ses parents avaient déjà prévu de passer les matchs dans la salle des fêtes du village s’ils se qualifiaient pour la coupe du monde. Connaissant la mère de Miles, Philipp n’avait aucun mal à l’imaginer. Il sentit son ventre se serrer en pensant que sa mère voudrait surement aussi participer, mais qu’elle n’en serait peut-être pas capable. Il se força à chasser cette idée de son esprit, préférant se concentrer sur une image moins dure. ”C’est sur que ça les occupera plus que la kermesse.” Philipp avait des souvenirs traumatisants des évènements du village, la kermesse plus encore que les autres. Les faux sourires, les parents qui laissaient les enfants faire n’importe quoi, et Philipp qui finissait par se retrouver seul parce que les autres ne voulaient pas jouer au foot sérieusement. Peut-être que ces mêmes gamins s’agglutineraient à la salle des fêtes pour l’encourager à la coupe du monde, et ce n’était qu’une motivation supplémentaire pour lui. Le bus commença à ralentir et Philipp se pencha, comme par réflexe, pour apercevoir un morceau du terrain d'entraînement. Voilà, c’était pour ça qu’il jouait, pour ça qu’il endurait le travail, la presse, les déplacements. Pour ce morceau de terrain dans lequel il pouvait tout maîtriser s’il travaillait assez dur. Il sortit du bus devant Miles et fut surpris d’entendre le joueur d’Arsenal rejoindre un ancien coéquipier. Il avait supposé que Miles le suivrait, et il se sentit stupide d’être déçu. Il n’avait pas eu envie de passer du temps avec Miles de base, alors il n’y avait aucune raison de se sentir mal parce qu’il allait parler avec d’autres joueurs. Bon débarras au fond. En tout cas Philipp arrivait presque à s’en persuader, et il se dirigea vers les vestiaires devant le reste de l’équipe, essayant d’ignorer la sensation terrifiante d’être redevenu l’adolescent qui, ivre mort, avait embrassé Miles dans un endroit tranquille. Il avait changé depuis, et il le montrerait.

Quelques minutes plus tard, Philipp sortit des vestiaires. Le premier, comme à son habitude. Il attrapa un ballon et commença à jongler pour s’échauffer, un réflexe qu’il n’avait jamais perdu depuis ses premières années au club de Donwell. À peine quelques secondes plus tard, Miles sortit à son tour et s’approcha de lui. Philipp n’était pas surpris que les deux premiers à être sur la pelouse soient les natifs de Donwell. Comme quoi certaines habitudes ne se perdaient jamais vraiment, mais Philipp était bien décidé à montrer que d’autres pouvaient s’oublier. Les quelques minutes dans le vestiaire lui avaient fait du bien, lui avait permis de se remettre les idées en place. Il avait promis à Miles de faire un effort, mais faire un effort ne voulait pas dire retomber dans ses vieux travers. Miles était comme un ouragan, si Philipp s’approchait trop il risquait de se faire emporter, et il savait très bien qu’il ne pouvait pas se le permettre. Pas une seconde fois. Il ne répondit pas à Miles, mais lui envoya le ballon sans un mot. Le football était un langage en lui même, Philipp le savait mieux que quiconque. Il observa Miles faire un ou deux jongles avant de lui renvoyer la balle. Il contrôla de la poitrine avant de renvoyer le ballon à son ancien coéquipier. Les deux joueurs continuèrent leur échauffement quelques minutes en silence alors que le terrain se remplissait peu à peu. Un ou deux joueurs avaient commencé à trottiner pour se réchauffer, mais Philipp et Miles continuèrent leurs jongles jusqu’à ce que le sélectionneur les rejoigne sur le terrain. Il siffla pour demander aux joueurs de se regrouper et Philipp contrôla le ballon, le coinçant sur sa cheville avant de le renvoyer à un assistant qui préparait les exercices. ”Tu as un peu perdu en réflexe.” Il avait parlé d’un ton sérieux, mais avec un petit sourire au coin des lèvres. Il y avait une part de vérité, mais là où Miles avait un peu perdu en tonicité, il avait largement compensé avec d’autres qualités et Philipp savait que son ancien coéquipier était un bien meilleur joueur qu’à l’époque. Tout comme lui, il avait dû travailler dur, et malgré tout ce qui s’était passé entre eux, Philipp se devait de respecter ça. Les deux joueurs rejoignirent le reste du groupe alors que le coach commençait à expliquer le plan pour l'entraînement. Philipp aperçut le défenseur central titulaire lever les yeux au ciel derrière le sélectionneur, et il remarqua que son coéquipier avait une tête à avoir un peu abusé sur l’alcool la veille. Il était connu pour son hygiène de vie déplorable et pour sa tendant à ne rien respecter, mais son physique en faisait un atout non négligeable. Philipp n’avait jamais compris pourquoi le sélectionneur s’acharnait à le convoquer, mais il n’était pas assez bête pour le dire ouvertement. Pourtant un vieil instinct le fit se pencher légèrement vers Miles en pointant le défenseur d’un geste discret de la tête. ”On est d’accord qu’il a une énorme gueule de bois ?” Certains joueurs auraient pu dire ça avec une pointe d’amusement, voire de pitié, mais ce n’était pas le cas de Philipp. Il n’avait aucune estime pour les joueurs qui pensaient que le sport était une blague ou un moyen de devenir riche et célèbre. Il aimait le foot plus qu’il aimait tout le reste, à part sa mère, et il détestait voir des joueurs manquer de respect au reste de l’équipe en faisant n’importe quoi.

Philipp s’était attendu à ce que Miles s’offusque devant l’état dans lequel leur coéquipier était venu à l'entraînement, mais sa remarque sembla plus l’amuser que le choquer. Après tout, Miles avait sans doute fait la même chose plus d’une fois. Déjà à l’époque, Miles avait été plus extraverti, plus fêtard que Philipp, et à en croire les tabloïds ça n’avait pas beaucoup changé. Philipp ne sortait jamais, ne buvait que rarement, passait ses soirées au calme pour pouvoir être à fond à l’entrainement et les jours de matchs, mais il savait que ce n’était pas le cas pour tous les autres joueurs, et à priori lui et Miles n’avaient pas le même avis sur cette question, comme sur beaucoup d’autres. Et pourtant Philipp ne le prit pas personnellement, et n’eut pas besoin de ravaler une remarque acerbe. Miles pouvait faire ce qu’il voulait quand il jouait pour son club, le plus important c’était qu’il se comporte correctement quand il jouait avec lui, et pour l’instant Philipp devait admettre qu’il n’avait rien à lui reprocher. Miles lui avait dit qu’il ferait son max, et il avait envie de le croire. Philipp écouta le coach leur demander de faire des tours de terrain pour s’échauffer, et il se retrouva naturellement à côté de Miles. Leur rythme était similaire, et même si aucun des deux ne parlait, Philipp était bien conscient de la présence du joueur d’Arsenal à côté de lui. Ça lui rappelait l’époque où ils jouaient tous les deux à Donwell, puis à Brighton. Ils avaient été inséparables, sans doute trop d’ailleurs, mais Philipp s’était juré de ne pas reproduire la même erreur, et il avait bien l’intention de s’y tenir. Il leva les yeux vers Miles en l’entendant parler et il jeta un coup d’oeil en direction du coach, plus par réflexe qu’autre chose. Il s’était souvent fait la même remarque que Miles. Sans dire que les deux auraient pu être de la même famille, Philipp leur avait toujours trouvé un air, un petit quelque chose en commun. Il était sur le point de répondre au joueur d’Arsenal quand une voix attira son attention directement derrière eux. Il sentit son sang se glacer au ton moqueur du joueur qui courait derrière eux, et il se tourna instinctivement vers le défenseur. L’expression qu’il avait utilisé n’était pas innocente, il en était certain, et Philipp sentit rapidement ses vieux réflexes remonter à la surface. La partie raisonnable de son cerveau lui soufflait que ce n’était qu’une remarque stupide, qu’un moyen de faire le malin, mais le reste de son corps refusait d’écouter. Il aurait sans doute réagi de manière plus calme si le défenseur n’avait pas, involontairement sans doute, touché un point sensible, et si Philipp n’avait pas eu le sentiment d’avoir quelque chose à se reprocher. ”Ferme ta gueule toi. Essaie plutôt de digérer ta bière d’hier soir, je la sens d’ici.” Il aurait sans doute dû ignorer la remarque, faire comme si de rien n’était, mais c’était trop lui demander. Il avait envie de hurler, de sprinter, de frapper quelqu’un. N’importe quoi pourvu que ça évacue la boule de rage qui était venue se loger au creux de son estomac. ”Ça va hein, je voulais pas insulter ta copine.” Philipp sentit ses joues rougir, mais là où il aurait voulu prétendre que c’était de colère, il savait que c’était surtout de honte. Des images de la dernière soirée qu’ils avaient passé ensemble adolescents lui revenaient, mais il se força à les chasser, terrifié à l’idée que l’abruti derrière lui puisse lire dans ses pensées. Il allait se venger, il le savait, mais il savait aussi que ça ne servirait à rien de juste lui mettre un poing dans la gueule dès maintenant, aussi tentante que fut l’idée. Il secoua la tête, se forçant à prendre un air dégouté pour masquer le fait qu’il était tétanisé par la peur. Il ne pensait plus au pacte qu’il avait fait avec Miles, au fait qu’il s’était promis de faire des efforts. Il ne pensait plus qu’à l’imbécile qui se foutait de sa gueule, et aux sous-entendus qu’il était en train de faire. ”Bouffon, va.” cracha-t-il avant de se tourner de nouveau vers l’avant et d’accélérer pour le semer. Il avait envie de tous les semer, d’être un peu seul et que le reste du monde lui foute la paix. Plus que ça, il avait envie de se défoncer, de courir jusqu’à se faire mal, jusqu’à ne plus pouvoir rien faire.

Philipp avait envie de courir le plus loin possible ou bien de se retourner pour coller son poing dans la figure du défenseur de l’équipe. Il avait hésité pendant une demi seconde mais avait finalement pris l’option la plus sage, ou la plus lâche. Il préférait ne pas trop y penser. Il accéléra si brusquement qu’un des joueurs sursauta presque en le voyant les doubler, mais Philipp n’y fit pas attention. Ses coéquipiers penseraient qu’il faisait du zèle, comme toujours. Il était connu pour ça après tout. Il s’était presque attendu à ce que Miles essaie de le rattraper pour le raisonner, mais il n’en fit rien. Il l’aurait pris de haut de toute façon, il lui aurait dit de se maîtriser, et ça, Philipp n’avait pas envie de l’entendre. Il se força à ignorer le sentiment de déception au fond de son ventre et continua son footing sans parler à personne. Il ne rejoignit le groupe qu’au sifflet de l’entraineur, un peu plus essoufflé qu’en règle général après l’échauffement, mais plus que jamais décidé à se donner. Il avait de l’énergie, de la rage à bruler, et il comptait bien l’utiliser contre l’autre abruti si le sélectionneur lui en donnait l’occasion. Il écouta le staff expliquer le prochain exercice à faire en groupe et dut retenir un soupir agacé en entendant qu’il allait, bien évidemment, être dans le même groupe que Miles. Le sélectionneur lui lança un regard en coin, comme pour le mettre au défi de protester, mais Philipp ravala sa remarque et prit la direction du morceau de terrain que le staff lui indiquait. Il était encore en chemin quand il sentit quelqu’un s’approcher, mais il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir de qui il s’agissait. Il aurait pu s’en douter, mais le ton moralisateur ne laissait aucune place au doute. Évidemment que Miles était venu lui faire la morale, lui dire qu’il n’aurait pas dû s’énerver, lui reprocher de réagir quand quelqu’un l’insultait. Peut-être que Miles avait l’habitude qu’on le traite de pédale, mais Philipp non, et il n’avait aucune intention de s’y habituer. Il attrapa un ballon sous sa semelle et appuya dessus pour tenter de se concentrer sur autre chose que sur ce que Miles essayait de lui dire, mais sans grand succès. Il avait envie de hurler, que ce soit sur le défenseur ou sur Miles, il s’en fichait. Il avait besoin de laisser sortir une partie de la frustration qui le submergeait, mais ça bien sur, Miles le parfait professionnel, ne pouvait pas le comprendre. ”Non, c’est ton comportement de merde qui ajoute de l’eau à son moulin.” Philipp s’était retourné vers Miles presque involontairement. Il avait essayé de se taire, de maîtriser ses émotions. D’une manière ironique, il avait essayé de faire ce que Miles suggérait, mais c’était le milieu d’Arsenal qui l’en empêchait. ”Il a surement entendu des histoires sur toi et il se fait des idées maintenant.” Plus que la colère, c’était surtout la peur qui parlait maintenant. La peur d’avoir vu juste, que le défenseur ait vraiment une partie de la vérité, et qu’il arrive à imaginer le reste. Après tout les morceaux ne seraient pas si durs à recoller avec un minimum de jugeote, et Philipp ne pouvait pas se le permettre. Un membre du staff passa à côté d’eux et souffla dans son sifflet pour attirer l’attention des joueurs de leur groupe. Philipp s’interrompit avant de le rejoindre. Il avait dit à Miles qu’il ferait des efforts, qu’il se comporterait comme un pro, et il n’avait pas envie de revenir sur sa promesse. Il s’était juste laissé emporter, et il ne referait pas la même erreur. Le seul moyen d’être pro, c’était d’être cordial et rien de plus. ”Écoute, on doit partager une chambre, et on doit jouer ensemble sur le terrain, mais ça s’arrête là. On n’est pas potes, alors laisse moi juste tranquille et tout se passera bien.” Philipp se força à ravaler la boule qui était venue se loger au fond de sa gorge, préférant se concentrer sur les gestes du membre du staff pour leur expliquer l’exercice. Il valait mieux ne se concentrer que sur le foot, et dans ce domaine là, Philipp avait une vie entière comme expérience.