If I wait could I get back to the place where it all began before? [Aubrey]

Aubrey avait décidé de partir de la mairie un peu plus tôt cet après-midi là pour pouvoir avancer plus tranquillement au calme. Il y avait des jours où les bureaux étaient remplis de monde et aussi bruyants qu’un stade en plein match, et aujourd’hui était un de ces jours là. Plutôt que de s’énerver sur ses collègues, Aubrey avait donc choisi de rentrer un peu plus tôt, se réjouissant de pouvoir également croiser un peu plus Avery, et dieu savait qu’elles en avaient besoin en ce moment. Elle avait passé énormément de temps à la mairie ces dernières semaines, débordée par le boulot et légèrement anxieuse à l’idée de rentrer chez elles après ce qu’il s’était passé au pub la dernière fois. Elle savait qu’elle aurait pu en parler à Avery, que ce n’était pas grand chose, que ça le ferait sans doute rire… En tout cas c’était ce qu’Aubrey se disait, mais elle n’osait pas aborder le sujet pour autant, préférant se torturer toute seule dans son coin. Elle se rendit compte en arrivant qu’elle était rentrée avant sa femme mais que sa fille était déjà enfermée dans sa chambre avec sa musique, surement les yeux scotchés à son écran. Elle soupira et posa son manteau dans l’entrée avant de prendre la direction de son espace bureau. Elle savait que ça ne servait à rien d’aller saluer sa fille, à moins d’avoir envie de se prendre une porte en pleine tête. Leur relation avait toujours été plus tendue que celle qu’elle avait avec son autre mère, mais les choses avaient empiré depuis son entrée dans l’adolescence, et Aubrey avait hâte que sa fille grandisse un peu. En attendant, elle avait bien l’intention de ne pas aller provoquer la bête. Elle posa son sac à côté de son bureau et en sortit une demi-douzaine de dossiers avant de se lancer dans ses tâches urgentes.

Une heure plus tard, elle entendit la porte d’entrée s’ouvrir mais se força à rester concentrée. Elle avait presque fini un dossier et elle savait que si elle s’arrêtait maintenant, elle allait devoir reprendre depuis le début. Elle ignora les bruits de courses dans la cuisine, essayant de garder son attention sur l’urgence qu’elle avait en mains. Après quelques minutes elle entendit Avery derrière elle et lui répondit par un grognement un peu neutre, un sourire absent au coin des lèvres. ”Coucou…” Avery attrapa un de ses papiers pour le regarder avant de le reposer maladroitement, le laissant finalement tomber par terre. Aubrey se retint de soupirer avant de se pencher pour ramasser la feuille perdue. Quand elle posa de nouveau les yeux sur ce qu’elle était en train de faire elle se rendit compte qu’elle avait perdu le train de ses pensées et elle reposa la feuille, agacée malgré elle. ”Je suis sûre que ça ferait plaisir à plusieurs personnes à la mairie.” Le directeur du département de l’urbanisme le premier. Ce vieux crouton enviait Aubrey depuis qu’elle l’avait écrasé aux dernières élections, mais il valait mieux ne pas se lancer sur ce sujet. Surtout pas avec Avery. Aubrey fronça les sourcils en écoutant sa femme lui parler d’une bonne nouvelle. Ses yeux pétillaient, un regard qu’Aubrey avait appris à associer avec les ennuis. Elle aimait sa femme plus que tout au monde, mais quand Avery se lançait dans quelque chose, c’était souvent elle qui devait passer derrière et tout réparer. Elle se reprocha son attitude défaitiste intérieurement et se tourna vers Avery pour lui montrer qu’elle avait son attention. De toute façon, ce n’était pas comme si elle allait pouvoir reprendre le travail maintenant. Elle fit semblant de réfléchir avant d’arquer un sourcil et de désigner le plafond d’un geste de la main. ”Tu as réussi à lui faire ranger sa chambre ?” Elle vit bien à la réaction de sa femme qu’elle avait une véritable nouvelle à lui annoncer, et non pas une petite victoire ou un détail domestique. Non, Aubrey n’avait pas vu Avery aussi excitée depuis un moment, et elle était désormais anxieuse de savoir de quoi il pouvait bien s’agir. Une grande nouvelle… Pourvu qu’Avery n’ait pas acheté un oiseau ou quelque chose du genre, c’était déjà suffisamment difficile de se concentrer à la maison. Les sourcils légèrement froncés, Aubrey abandonna après à peine quelques secondes de réflexion. ”Je ne sais pas, dis moi !” Elle faisait partie de ces gens qui détestaient les surprises, et Avery le savait, mais elle se força à ne pas trop montrer l’inquiétude sur son visage.

Aubrey leva les yeux au ciel en entendant Avery qu’elle pouvait toujours essayer de convaincre leur fille de ranger sa chambre. Elle n’aurait pas eu beaucoup d’espoir si un gardien de prison avait ordonné à leur fille de ranger quoi que ce soit, mais avec Avery c’était d’autant moins probable. Elle ne rangeait rien elle-même, et connaissant leur fille, elle ne prendrait jamais au sérieux Avery si elle lui demandait de mettre de l’ordre dans ses affaires. C’était justement parce que sa mère ne rangeait rien qu’elle se permettait d’en faire autant. Aubrey avait eu beau essayer de lui faire prendre de bonnes habitudes, les mauvaises avaient déjà pris racine, et elle s’était retrouvée impuissante. Alors au lieu de leur demander d’aider, elle finissait par tout faire elle-même, et par prétendre que ça ne la dérangeait pas plus que ça. Elle aperçut une lueur de déception dans le regard d’Avery quand elle abandonna les devinettes, mais elle se força à faire comme si de rien n’était. Avery était une véritable gamine parfois, et elle ne se rendait pas compte qu’Aubrey était sous l’eau, malgré les piles de papier sous lesquelles elle se noyait littéralement. Dieu savait qu’elle aimait sa femme, mais elle n’avait aucune idée de la pression sous laquelle Aubrey était en permanence, et il était parfois difficile de prendre du temps pour parler alors qu’elle avait encore tant à faire. Malgré tout, Aubrey prit sur elle pour ne pas vexer sa femme, et hocha la tête en l’écoutant parler du reboot de son ancienne série. Elle ne s’en souvenait pas véritablement, pas dans le détail en tout cas, mais elle savait qu’Avery avait effectivement abordé le sujet il y a quelques jours. Pour être honnête Aubrey n’avait jamais vraiment suivi la carrière de sa femme, elle n’avait regardé des épisodes de la série que pour lui faire plaisir, mais elle n’en avait pas retenu grand chose. Elle préférait les documentaires de toute façon. ”Oui…” répondit-elle d’un air méfiant, comme un animal qui sent qu’un piège peut se refermer sur sa jambe à tout instant. Aubrey s’était attendu à ce que sa femme lui explique qu’elle allait toucher des droits, ou qu’ils allaient lui proposer d’aider pour la promo du reboot. Elle avait tout imaginé, ou en tout cas elle l’avait pensé, car l’annonce de sa femme la prit entièrement au dépourvu, et elle ne put pas masquer l’incrédulité sur son visage. ”Quoi ?” Ils lui avaient proposé un rôle ? Et elle avait accepté ? Aubrey se tendit instinctivement sur sa chaise, toute pensée des dossiers qui l’attendaient s’envolant de son esprit. Elle n’avait plus qu’une chose en tête : ce qu’Avery venait de lui annoncer comme si elles venaient de gagner au loto. Au moins sa femme avait réussi à attirer son attention pour de bon cette fois, mais Aubrey n’était pas certaine qu’elle allait apprécier la sensation. ”Tu as accepté un boulot sans m’en parler ?” Toute la frustration de sa journée, des derniers mois même était en train de remonter. Elle passait tout son temps à travailler et à passer derrière sa femme et sa fille à la maison, comment est-ce qu’Avery pouvait penser que les choses continueraient à tourner si elle reprenait le boulot ? Elles avaient une adolescente qui ne foutaient pas une à la maison, et Aubrey ne pouvait tout simplement pas assumer la moindre charge de travail supplémentaire. Plus que ça, elle était agacée mais peu surprise de voir que sa femme avait pris une décision majeure sans la consulter. En temps normal elle s’en serait voulu de penser comme ça, mais à cet instant précis elle avait beaucoup de mal à se sentir coupable. ”Avery, tu ne peux pas prendre ce genre de décision sans qu’on en parle, comment est-ce qu’on va faire si tu reprends le boulot ?” Aubrey passa une main dans ses cheveux pour tenter de se calmer, mais en vain. Elle ne savait pas si elle était plus inquiète ou agacée, les deux émotions semblaient se succéder à une vitesse folle. ”Quand est-ce que tu es censée commencer ?” Censée. Aubrey ne voulait pas accepter ce qu’Avery lui avait annoncé comme une fatalité. Elle pouvait peut-être encore s’en sortir, pourvu que sa femme n’ait pas en plus signé le contrat sans lui en parler. Il fallait qu’elle reprenne ses esprits.