in the pursuit of knowledge (w/ James)

Il n’est pas toujours simple de reprendre sa vie en main, surtout quand on avait disparu dans une bulle, un loop qui vous tire doucement vers le fond. Il était en revanche si facile de fuir la réalité, de se cacher, se complaire dans une imagination qui nous protège. Elle allait très bien. Ou du moins, c’était ce qu’elle disait à sa cousine, Lula. Elle n’avait aucunement besoin d’aide, n’avait pas de doutes ou de paniques particuliers. Pourtant, elle avait reçu un courrier quelques jours plus tôt qui l’avaient plongé dans une détresse difficile à dissimuler. Ils étaient navrés, disaient-ils, mais ils n’avaient plus de place à lui offrir pour finaliser ses recherches commencées huit ans plus tôt, chez eux, à l’Université de Londres. Elle était perdue. Ce n’était clairement pas à Brighton qu’elle allait trouver un curriculum dans lequel s’épanouir. Clairement, elle allait devoir trouver une autre solution, si elle voulait pouvoir revenir sur le chemin qu’elle avait décidé de suivre quinze ans plus tôt. Heureusement, la chance était un peu de son côté. Et si elle ne croyait plus à la chance depuis quelque temps, cela venait de changer. Grâce à son travail, et plus particulièrement à son collègue, Bo.

Elle avait la fâcheuse tendance d’écouter les conversations autour du bar. Il fallait bien occuper le temps, au White Horse, et puis on ne savait jamais quelle genre d’histoire on pouvait entendre. C’était parfois totalement fascinant. Ce fût le cas deux jours plus tôt, puisqu’elle avait surpris Bo en pleine conversation avec le Professor Snicket. Elle l’avait reconnu dès qu’elle l’avait aperçu pour la première fois à Donwell, quelques jours plus tôt. Sa conférence donnée quelques années auparavant. Neuf, dix ans ans, peut-être ? Elle s’en souvenait très bien. Il était tellement inspirant, elle avait d’ailleurs songé à postuler pour un phd à Oxford juste pour suivre ses cours. Mais c’était avant qu’elle laisse tout tomber pour une amourette.
Bref, si la discussion entre les deux hommes fut plus que quelconque pour n’importe qui qui écouterait, parlant de leurs plans pour la soirée, c’est le fait qu’ils vivent ensemble qui l’avait fait hausser un sourcil. Elle était là, la solution à son problème principal. Elle savait immédiatement ce qu’elle devait faire, et c’est sans aucune gêne qu’elle sonna chez lui, deux jours plus tard, alors qu’elle terminait son shift du midi. Elle s’était rendue rapidement dans la chambre qu’elle occupait chez sa cousine, le temps d’attraper les quelques travaux qu’elle avait écrit à l’époque de ses études, dans l’espoir d’obtenir du soutien de la part du professeur. Une douche pour éviter de sentir la bière, et elle était partie. Ou presque. Le regard triste d'Hera lui fait comprendre qu'elle aussi, elle irait bien prendre l'air. Après une petite séance câlins avec son adorable jeune chienne, elle sort la laisse, la rendant toute excitée.

15h. Elle arrive, Hera avec elle, semblant fascinée par une des premières abeilles du printemps. Elle sonne. Se demandant si elle n’aurait pas dû réfléchir à un meilleur timing, cet horaire étant plutôt propice à déranger en plein travail. Pourtant, plutôt que de laisser le doute s'installer dans son esprit, elle sert le poing autour de sa sacoche. Elle ne perdra pas confiance. Et surtout, elle ne devait pas se sentir intimidée. Elle connaissait sa réputation, et peut-être qu'il n'apprécierait pas le culot avec lequel elle allait l'aborder. Peu importe. A cet instant, elle est déterminée.

Elle n’avait jamais été une personne qui se laissait facilement intimidée, Ellie. Un caractère fort, en harmonie cependant avec sa douceur. Pourtant, ces quelques dernières années, la faiblesse avait pris le dessus. Elle se laissait rabaisser, maltraiter, pour ce qu’elle pensait être de l’amour. Et si depuis qu’elle avait quitté Glasgow, cela s’était grandement amélioré, elle avait encore, parfois, quelques moments de faiblesse, de perte de confiance en elle. « Et si je n’étais pas assez bien ? » C’était ce que Clyde lui disait souvent, les derniers mois. Elle n’était rien sans lui, comment comptait-elle s’en sortir ? Que faisait-elle, à cet instant, à venir demander de l’aide à ce grand professeur ? Qu’en avait-il à faire, d’elle ? Il était si facile de remettre ses choix en questions. C’est Hera qui la fit rapidement sortir de ce tourbillon dans lequel elle était sur le point de se laisser emporter. Un coup de tête contre sa jambe. Des yeux plein d’amour. C’était tout ce qu’il fallait pour qu’Ellie retrouve sa détermination. Elle reprenait sa vie en main.

"Bonjour. Je peux faire quelque chose pour vous ?" La porte s’ouvre, sur cet homme qui semble plutôt déranger par cette visite inattendue. Hera se met à aboyer, pour le saluer, et s’approche, sans gêne, pour venir lui sentir les jambes. Pas encore très bien élevée, cette petite. « Hera, non, ce n’est pas poli, reviens ici. » Un léger mouvement de la laisse lui faire comprendre qu’elle n’est pas à sa place, et la jeune chienne revient près de sa maitresse. « Pardon, bonjour, professeur Snicket. » Son malaise, son inquiétude, tout était parti. La jeune femme se sent à nouveau en confiance. « Je suis Ellie, nous nous sommes croisés au White Horse, quelques fois. Enfin, nous n’avons jamais parlé, je crois que votre cousin apprécie que vous lui accordiez toute votre attention. » - ajoute-t-elle avec un sourire amusé. Au fond, elle comprenait très bien, quand Lula venait lui rendre visite au pub, elle en oubliait presque les autres clients. Une conversation avec sa cousine était plus intéressante que de remplir des pintes. Mais ça ne remplissait pas le compte bancaire. Sentant qu’elle va finir par dériver, elle se reprend rapidement, un sourire doux affiché. « Je suis étudiante en civilisations anciennes. Enfin, était. J’ai assisté à l’une de vos conférences il y a des années. Je ne voudrai pas vous déranger, mais avez-vous quelques minutes à m’accorder ? » J’ai quelque chose à vous demander, mais j’aimerai éviter de la faire sur le pas de la porte, faillit-elle ajouter.

C’est la première fois qu’elle se retrouvait seule, face à lui, et elle se sentait quelque peu intimidée, impressionnée. Cet homme dégageait tellement de prestance -malgré le fait qu’il semblait clairement agacé de devoir gérer cette inconnue à sa porte-. Elle aurait aimé lui dire à quel point son travail l’avait influencée dans ses recherches. Mais elle voulait surtout se montrer sûre d’elle, maitrisant son sujet, lui prouver, si besoin, qu’elle serait une excellente élève, si il lui en donnait l’occasion.

La jeune femme se réjouit lorsque le professeur la reconnu. Ce job au White Horse l’avait forcée à sortir à nouveau de sa coquille, faire des rencontres, créer de nouveaux liens. Ce fût bien difficile, au début, elle était trop discrète, elle se faisait petite, préférant ne pas se faire remarquer. Une habitude qu’elle avait dû prendre, son ex-compagnon ne supportant aucunement que d’autres personnes -ou plutôt d’autres hommes- lui accordent de l’attention. Mais la petite fleur fragile finit par s’ouvrir, et s’épanouir.

Suite à son invitation, elle entre dans la maison, Hera la suivant. Elle la colle presque, la jeune chienne n’étant pas fan des endroits clos qu’elle ne connait pas. Mais au moins, elle ne frôle rien, ne risquant pas de faire de catastrophe.
Ellie, quant à elle, se montre assez discrète, se retient de trop observer autour d’elle. Une maison en dit tellement sur une personne. Quels livres dans la bibliothèque ? Des plantes ? Du rangement, ou au contraire un désordre chaotique ? Un endroit cosy, ou bien un endroit de passage, avec peu de touches personnelles ?
Elle préférait ne pas y porter trop d’attention, préférant garder le mystère autour de James. Installée, sur le canapé, sa sacoche posée à côté d’elle, Hera à ses pieds, elle prend une discrète inspiration alors il l’invite à continuer sa conversation. « J’ai décidé de devenir doctorante en civilisation grecque quand j’avais huit ans. J’avais un chemin tout tracé. J’ai obtenu d’excellents résultats, au lycée, à l‘université. Et puis … » Elle cherche ses mots, un court instant. Et puis j’ai tout foiré ? J’ai suivi un homme que je pensais aimer plus que mes études, un homme qui était plus important que le but que je m’étais fixée depuis plus de dix ans ? Elle n’arrivait pas vraiment à parler de ce court passé. Elle n’arrivait plus à parler de lui. Elle en avait même oublié les bons moments qu’ils avaient passés ensemble, au début.
Elle se reprit. « Et puis, j’ai pris une mauvaise direction, fais les mauvais choix. J’aimerai me remettre sur la bonne voie, mais pour le moment, il m’est impossible de trouver une place en université. Alors je me disais, peut-être, que vous pourriez m’accorder un peu de votre temps, partager vos connaissances. » Au fond, il n’y avait pas tant de choses à faire ici, à Donwell, il aurait bien un peu de temps à lui accorder ? Elle ne savait rien de lui, de sa vie ici, mais elle espérait que ce temps, il le prendrait. « J’ai conscience qu’il s’agit là d’une grande faveur que je vous demande. Mais vous m’avez toujours inspirée, je pense que je pourrai aller loin, avec vous. Si vous m’en donnez la chance. »